Bonjour!
J’ai craqué, j’ai pris un nouvel ordinateur. Perdre l’usage du mien m’a fait réaliser que j’adore écrire comme ça, au point que l’inspiration me vient plus facilement quand mes doigts se posent sur le clavier que quand je traîne mon stylo sur une feuille (en plus je suis ultra spécifique sur le type de stylo, et ne me lance même pas sur la qualité du papier…).
J’ai pas mal réfléchi à ma pratique créative ces dernières semaines, plus précisément : comment en avoir une. Pas une routine d’écriture, mais une vraie pratique artistique : une façon de nourrir et de prendre soin de l’énergie artistique ou créative.
Ça peut paraître un peu flou comme objectif, mais dans mon expérience, c’est très concret la sensation de nourrir un endroit de moi, et ça vient avant le fait de créer quoi que ce soit. Le plus simple pour moi serait de la comparer à ma pratique sportive : je vais au sport et je suis plus ou moins un programme, qui n’a rien à voir avec le fait de faire des compétitions, et puis je peux avoir ponctuellement des objectifs à atteindre. Dans la créativité je me suis rendue compte que j’avais fait les choses dans l’autre sens : je veux écrire des livres, publier l’an prochain mon premier recueil de poèmes, mais je n’ai pas mis en place de système pour me permettre de nourrir cet espace de création en dehors de ces objectifs à atteindre.
Or j’aime créer pour le plaisir de créer, de même que j’aime me muscler et bouger mon corps pour le plaisir de me sentir bien dedans, pas pour battre des records ni même participer à des compèts. J’ai envie de m’offrir ce niveau de joie et de structure dans la création.
On sait que pour créer de nouvelles habitudes (ou arrêter des habitudes dont on ne veut plus), il y a un changement d’identité qui doit s’opérer. Par exemple si je veux commencer à me lever tôt mais que j’ai toujours revendiqué un amour immodéré pour la grasse mat (cette newsletter s’est appelée pendant quelques années The Miracle Grasse Mat, donc toute ressemblance avec des personnes existantes…), me lever ne va pas seulement être difficile physiquement, le temps de l’ajustement, mais surtout mentalement, énergétiquement, parce que ça va à l’encontre de qui je crois être.
Le truc avec les identités, c’est qu’elles sont comme de vieux contrats qu’on a passé avec nous-mêmes il y a très longtemps, et qui ne sont plus forcément à jour ni choisis. C’est l’équivalent de la phrase “parce qu’on a toujours fait comme ça”, pas foncièrement un problème, mais un truc qui mérite d’être requestionné de temps en temps, histoire de voir si on suit un élan d’aujourd’hui ou une injonction du passé.
Je reviens au sport : pendant des années, j’ai cru que je n’étais pas sportive. J’avais une image en tête de ce que sont les gens sportifs, et c’était pas moi. Peu importe si je faisais du sport toutes les semaines, ou si je devenais folle sans pratiquer une activité physique, j’étais pas “sportive”. Pour la faire courte, après une série de conversations je me suis rendue compte que :
quand j’étais enfant ma soeur était très forte en sport donc par comparaison j’en avais conclu que c’était “pas mon truc”
à l’école j’avais toujours 1 à 2 ans d’écart avec tout le monde, donc je me comparais en permanence à des gens plus âgés (et à l’adolescence, ça compte beaucoup) : du coup c’était vraiment pas mon truc, autant arrêter.
Une fois que j’ai vu l’histoire, j’ai pu très simplement regarder la réalité : depuis des années, je fais du sport, j’adore ça, j’en ai essayé plein de différents. Je suis sportive, peu importe si je ne ressemble pas à l’image que je m’en étais faite. Le truc magique c’est qu’une fois que j’ai compris ça, ça a été beaucoup plus facile de mettre le sport en priorité dans mon emploi du temps. La joie et la structure.
Il se passe la même chose pour l’artistique : j’écris depuis très longtemps, je dessine régulièrement, je suis amoureuse des conférences et j’écoute des heures de cours sur la théorie du storytelling, le rythme en poésie, les techniques de narration, mais je ne me suis jamais sentie “artiste”. C’est pas une histoire d’étiquette, ça va plus loin : comme je ne pense pas être artiste, les activités artistiques n’ont pas la même priorité : elles passent “après”.
Je trouverais ça normal qu’une poétesse prenne du temps pour aller flâner dans la nature, ou pour se poser en bibliothèque, faire des recherches puis écrire pendant 2-3 heures régulièrement. Mais moi, je suis pas une poétesse, donc au nom de quoi je prendrais une journée pour m’inspirer ? A quoi ça pourrait même ressembler ? J’ai beau lire des blogs et suivre des comptes de poétesse, dévorer leurs interviews et podcasts, ce ne sont pas mes copines et je ne sais pas exactement comment elles créent. Pour trouver mon propre style de pratique, j’ai besoin aussi de le confronter à des choses qui existent.
Cette semaine, plutôt qu’un poème, je vais donc partager 4 questions qui me sont venues pour regarder ma pratique et que tu peux utiliser pour regarder la tienne. Je serais honorée si tu me partages la tienne en commentaires (ça peut être ta pratique artistique ou toute autre pratique qui te nourrit : une pratique sportive, une pratique professionnelle d’un autre domaine, une pratique méditative… j’adore trouver des pépites dans des domaines inattendus)
Je la fais sous forme de questions pour que tu puisses faire l’exercice pour toi et partager le résultat en commentaires ou en répondant à ce mail si ça te dit !
Questions pour une pratique artistique
Qu’est-ce que je sais aujourd’hui de ma pratique ?
elle a besoin de silence, et d’espace
elle adore les deadlines pour produire quelque chose,
elle a besoin de contact avec les autres : lectures, interviews mais aussi discussions dans la vraie vie
elle fait feu de tout bois : n’importe quelle discussion peut l’alimenter
elle s’inspire de la beauté créée par d’autres
elle peut partir dans tous les sens si je n’ai pas un projet précis, et s’essouffler
Qu’est-ce que ma pratique sait de moi ?
Que la poésie me nourrit à un endroit où rien d’autre ne fait l’affaire
Que je crée en faisant des liens, pas forcément en contemplant
Que j’ai besoin de cadre pour diriger mon énergie
Que c’est joyeux et nourrissant d’aller traîner vers d’autres pratiques, notamment le dessin
Qu’est-ce que je ne sais pas de ma pratique ?
Comment l’alimenter les jours où je n’ai pas le temps
Où trouver des copain·es pour créer ensemble
Jusqu’où elle peut m’emmener
Comment lui donner un rythme sans la rigidifier
Quand je vois tout ça, qu’est-ce que je veux ?
Fixer le cadre de mon recueil de poèmes
Continuer mon journal écrit / dessiné
Prendre plus de notes “à la volée” sur ce qui capte mon attention
lié au précédent : développer une habitude de l’attention
Cette semaine
❤️❤️❤️❤️ Voir le coucher de soleil depuis la mer, les fesses dans l’eau tiède, après une bonne session de sport
❤️❤️❤️❤️ Une longue conversation avec une copine sur les relations, ce qu’on trouve non-négociable et comment on apprend à prendre soin de nous dans le lien
❤️❤️❤️ Commencer le livre d’Adèle Yon Mon vrai nom est Elisabeth que je regarde avec des yeux de biche depuis des mois. J’ai déjà hâte de finir mon article pour m’y remettre
5 choses que j’ai envie de partager
Ce sera une édition musicale : 5 chansons que j’écoute en boucle ou avec bonheur ces derniers temps (il y a des gens, me dit-on, qui écoute les chansons sans les mettre en boucle : genre ils écoutent un truc puis ils passent à autre chose, ils ne mettent pas l’option repeat 1 jusqu’à ce que le cerveau implose de répétition. J’ai du mal à croire que ces personnes existent mais, tu l’auras compris, je ne suis pas de cette team.)
Je te souhaite une semaine géniale, surprenante, calme, ensoleillée, introvertie, amoureuse, vivante.
Laure
Bonjour Laure
Merci de tes posts toujours très bien écrits et inspirants.
As tu des podcasts à me conseiller ou des sites qui donnent des conseils pour écrire un essai ou un livre.
Je te remercie d’avance
Edith
Je te laisse mon mail si tu veux bien me répondre
lafargueedith@yahoo.fr