Bonjour !
Je suis ravie de popper dans ta boîte en ce début de semaine. Je suis en train d’écrire cette Love Note depuis un rooftop tout près de chez moi, entre deux averses (je crois que le staff me prend pour une cliente de l’hôtel, je suis dans le déni de la situation gênante qui s’annonce quand ils vont demander mon numéro de chambre…).
Un poème :
Voilà ce que je fais
Je me réveille et j’attends de la lumière
qu’elle dicte ma journée quels vêtements porter
si je dois aller recueillir ces premières minutes
sur le sable ou au fond du canapé.
Lumière faible, les restes de la nuit s’accrochent
tirent sur les bords de mes pensées et les emmêlent.
Si je ne sors pas du lit, rideau !
Le sommeil éteindra tout à nouveau.
Par la fenêtre la lumière pousse mes pieds vers le frais
les glisse dans le tapis aux poils épais et doux pour qu’ils acceptent
leur lourde charge
porter la journée qui s’annonce,
qu’elle aille du tapis au sable mouillé
ou du drap au bitume au sol du bus.
Voilà ce que je fais. Chaque matin
je laisse la lumière convaincre mes pieds.
J’ai écrit ce poème à partir d’un poème appelé What I do, de Ellery Akers.
Contrairement à ce que pourrait laisser penser le titre de la Love Note, c’était très dur de sortir un poème que je juge digne d’être partagé maintenant que j’ai décidé d’en écrire un par semaine.
Le jugement s’invite très vite dans le travail créatif, souvent pour l’empêcher d’exister tout court. Ça n’est même pas un jugement subtil, ça peut être aussi laconique que “c’est nul”.
Ceci dit, depuis plus de 10 ans à écrire une newsletter, et maintenant deux ans depuis que j’ai décidé d’explorer l’écriture de fiction et de poésie, j’ai chopé quelques trucs qui fonctionnent pour moi, et que tu peux récupérer ou détourner pour qu’ils fonctionnent pour toi.
Il y en a 3 qui me semblent vraiment importants :
Expérience + Expérimentation. Dans toute discipline, artistique ou autre (c’est vrai pour les relations, le taf, le sport, plein de trucs), l’expérience et l’expérimentation sont les seuls moyens de progresser et de sentir que la relation avec ce qu’on fait s’approfondit, et qu’on arrive à faire des choses qui nous semblaient d’un autre monde quand on s’est lancé·e. Or pour expérimenter, il faut accepter de se planter. De faire des hypothèses et de se rendre compte qu’en fait ça marche pas. Dans notre société du hack et du temps raccourci, on peut vite croire qu’il existe une façon plus rapide, plus simple de devenir fort·e dans un domaine, mais c’est faux. Il n’y a que le temps + le fait d’oser et de se planter qui nous mettent sur le bon chemin.
Je sais que de mon côté, quand j’essaie inconsciemment de m’éviter la honte d’un échec, je perds du temps.
Concrètement ça veut dire : écris un livre, même s’il est naze, et fais toutes les erreurs possibles pour apprendre comment faire mieux la prochaine fois. Ose demander conseil, et surtout tester pour voir comment ce conseil marche pour toi. Ecoute des contenus ou regarde des tutos, mais surtout fais des trucs pour rencontrer tes limites et savoir sur quoi tu veux travailler.
Ce qui m’amène au point 2Ça n’a pas besoin d’être “bon” pour être enthousiasmant et satisfaisant. Le deuxième piège, c’est d’attendre d’être “bon·ne”, comme si tu pouvais commencer à kiffer ton art que quand il est vraiment au niveau (au niveau de quoi d’ailleurs ?). Quand j’ai commencé l’escalade, je suis tombée dans ce piège, et du coup j’allais grimper mais j’étais jamais vraiment contente, je pensais que mes limites étaient un signe de mon incompétence alors que c’était juste mon niveau du moment, point. J’arrivais à faire des trucs, d’autres pas. Du coup je pouvais prendre mon pied à passer très fluidement les voies les plus faciles, et puis me prendre un peu la tête ou passer sans grâce des trucs plus durs… jusqu’à ce que le truc dur devienne plus facile et qu’un nouveau niveau de difficulté apparaisse. C’est sans fin, et c’est ça qui est excitant.
Si tu es comme moi et que tu as une nouvelle passion incandescente par semaine, c’est aussi une bonne façon de faire le tri entre les amours d’un jour et les amours d’une vie : il y a des domaines dans lesquels j’ai envie d’aller pousser ces limites et de continuer à creuser et élargir mes possibilités, et il y a des domaines que je trouve sympas, mais qui ne m’enthousiasment pas assez pour faire cette danse. Je les fais quand même, mais avec plus de légèreté. (ça peut paraître évident, mais je reviens de loin : avant je m’attendais à être surdouée dans chaque petit truc que je commençais, et grâce à cette bien saine dose d’égo, je rageais dès qu’un truc me résistait un tant soit peu… une bonne recette pour passer son temps à se sentir comme une crotte de nullité).Ça prend beaucoup plus de temps qu’on croit. Dernier et pas des moindres : devenir “bon·ne” dans quoi que ce soit, ça prend ouuuuuuuuuuf de temps. Donc on peut se lâcher la grappe en mettant un soupçon de réalisme dans ses attentes : non, tu ne vas pas découvrir que tu es un prix Nobel de littérature ou une championne du monde qui n’attendait que l’occasion pour révéler ton talent incommensurable au monde. Non, ce n’est pas parce que tu es gaucher frustré ou que ta prof d’EPS t’as oublié en classe de neige que tu n’as pas encore exploité tout ce potentiel qui t’habite. C’est parce que ça prend grave de temps. Et qu’on n’a pas toujours la patience ou la passion pour consacrer des dizaines de milliers d’heures à chaque chose qui nous intéresse. Et c’est ok. Comme je l’ai dit juste avant, le kif n’a pas besoin d’attendre, lui. Donc amuse-toi, suis ce qui te nourrit, et si à un moment tu vois que tu as des ambitions plus élevées, vois si tu as vraiment envie de mettre les moyens en face, puis fais-le. J’adore les projets ambitieux et fous ! Et j’adore aussi faire les choses par amour pour la chose elle-même plutôt que comme un plan à peine voilé pour faire éclater mon génie au monde.
Carnet de la semaine ♥️♥️♥️
❤️❤️❤️ J’ai trouvé un programme d’entraînement pour la salle de sport qui coche toutes les cases : c’est ludique, c’est facile à utiliser, et ça me donne l’impression d’être badass de fou (même si je dois encore demander comment on utilise les machines une fois sur deux 🤭). Je ne peux pas encore faire de bas du corps avec ma cheville, donc la muscu me donne la joie de continuer à bouger, et découvrir de nouvelles façons de me muscler (je soulève 45 kg en max au développé-couché, à voir comment ça évolue !)
❤️❤️❤️ Aller faire de la peinture sur céramique avec ma nièce, et prendre le temps d’une journée avec elle. Ce qui m’a permis de lire une correspondance privée entre cousines, je suis tenue au secret, mais quelle beauté, les lettres manuscrites pleines d’amour -
❤️❤️ Première baignade de l’année (elle était glacée) !
❤️❤️ J’ai repris ma pratique de journal. Le soir au lieu de scroller du Youtube infini, je dessine / écris les points mémorables de ma journée. Je viens seulement de capter que c’était ça, mon matériau pour créer !
💔 J’ai laissé une peur s’exprimer comme un reproche, ou plus précisément un scénario catastrophe, et j’ai détesté l’impact que ça a eu. Je ne veux pas que mon bien-être se fasse au prix de la liberté des gens que j’aime, ou que mes émotions deviennent des revendications, mais c’est un terrain encore frais que je ne navigue pas toujours comme je voudrais.
Recos à lire / voir / écouter
Cette chanson :
Ce poème de Mary Oliver sur la poésie :
(Traduction à peu près : Ce qu’on veut / Dans un poème / les gens veulent / quelque chose de raffiné, / mais plus encore / ils veulent quelque chose / d’inexplicable / rendu accessible, / facile à avaler - / un peu comme soudain / un passage harmonieux / dans une / difficile et parfois dissonante / symphonie - / même si c’est seulement / au moment / où on l’entend.
Cet article (🇬🇧) sur le fait d’arrêter de performer une espèce de perfection ou d’illusion d’être toujours comme il faut :
Les clips fous de ces islandais (et leur pop détente très chouette) :