Écrire un Petit Livre. Semaine 3 : les mots
Où l'on joue avec les contraintes et les envies
Bonjour Fraise des Fossés,
Bienvenue dans la 3ème semaine de notre programme d’écriture de Petit livre. Tu peux retrouver les épisodes précédents sur ce lien (ainsi que le programme d’écriture de Noël, si tu as envie de t’y mettre dans la foulée ^^)
La semaine dernière, on a plongé dans la couleur, et maintenant, on va plonger dans les mots avec un exercice parfait pour lâcher le mental et plonger dans la création.
On va entrer dans les mots d’une façon assez contrainte, parce que même si on a tou·te·s le fantasme de se sentir posséder par une Muse qui se penche sur notre épaule pour nous susurrer exactement ce qu’il s’agit d’écrire, souvent, ce n’est pas le cas, et on se retrouve frustré·e, suspendues entre le doute et le jugement : « est-ce que c’est ok d’écrire ça ? C’est trop facile ça doit pas être ça. Ah c’est nul, j’arrive à rien, de toutes façons j’ai pas d’idées et puis en fait j’ai pas si envie d’écrire ».
Je crois beaucoup dans le pouvoir du jeu et de la légèreté pour nous amener dans des endroits d’une profondeur insoupçonnée. Je sais aussi que la bonne structure, la bonne contrainte, sont des clés pour accéder à sa créativité.
C’est un constat que je fais sur le dos d’un paradoxe : j’adore me sentir libre de mon temps, de mon espace, de faire ce que je veux, mais je constate très régulièrement à quel point cette liberté totale devient parfois un piège dans lequel je m’englue et finalement cette journée de libre se transforme en journée de rien qui me nourrit, et cet espace sans limite devient étouffant.
Dans l’écriture, c’est pareil. Sans ce rendez-vous hebdomadaire des Love Notes, par exemple, je n’aurais pas écrit la moitié de ce que j’ai produit ces dernières années. Sans le cadre du petit livre et la deadline d’un anniversaire pour l’offrir, je n’aurais jamais fini mon premier petit livre. Etc, etc.
Les deux types de contraintes à connaître pour t’aider
Il y a deux types de contraintes :
Les contraintes sur l’objet (ça peut être une deadline, une régularité, un format, ou bien un nombre de pages, un nombre de caractères)
Les contraintes sur le contenu (ça peut être des contraintes de forme, comme les alexandrins en poésie, ou bien comme ici décider qu’il y aura des images et des mots, ou des contraintes de fond, comme un thème imposé)
Les deux sont utiles à des endroits différents : les premières permettent de délivrer. Comme un échafaudage, elles offrent une structure sur laquelle s’appuyer et se reposer pour bâtir. Les deuxièmes sont là pour creuser, pour découvrir et décider quel bâtiment on va construire là.
C’est pour ça que le format du petit livre me plaît tant, parce qu’il permet d’allier les deux : avoir un cadre très clair sur l’objet, et jouer à l’intérieur avec les contraintes d’écriture. Ça permet d’explorer, de se laisser surprendre par ce qui sort ET d’avoir une contrainte pour aboutir à un objet, pas laisser flotter son projet indéfiniment.
« Les bonnes contraintes peuvent mener à ton meilleur travail »
Austin Kleon, Steal like an artist
Ce n’est pas juste un « truc » pour se forcer à aboutir, ou pour les artistes en panne d’inspiration, c’est un art de savoir trouver les contraintes qui libèrent la créativité. La création naît non seulement de ce qu’on s’autorise mais aussi de ce qu’on ne s’autorise pas, ou qu’on choisit de ne pas faire (ou même qu’on ne peut pas faire et qui nous contraint à trouver des chemins détournés).
Ce qui reste dans l’ombre
On accorde souvent beaucoup d’attention à ce qu’on montre, à comment on dit les choses, à ce qu’on raconte. Mais ce qu’on ne montre pas, ne raconte pas, ce dont on ne se souvient pas est tout aussi important.
Dans une pièce de théâtre que j’ai vue récemment, un couple traverse la descente d’un des partenaires dans la maladie d’Alzheimer. La pièce est jouée entièrement par un acteur et une actrice. Deux sur scène, très peu d’autres personnages (qu’on ne voit et n’entend jamais de toutes façons) et des décors minimalistes.
En tant que spectateur, on n’a rien pour échapper à la tension de leur histoire. Il y a un goût d’inévitable dans la façon même dont la pièce est mise en scène. A un moment, ils sont assis sur deux chaises face au public, ils parlent à un docteur, on entend donc que leur partie du dialogue, et on reconstitue le reste de nous-même. Cette scène est particulièrement poignante parce qu’à nouveau, on est seuls face à eux on ne peut pas « se barrer » ou s’identifier à quoi que ce soit d’autre.
Certains peintres travaillent une couleur en plongeant dedans, et en s’interdisant d’utiliser d’autres couleurs. C’est une contrainte très forte, mais aussi une façon d’entrer en intimité avec leur médium d’une façon complètement nouvelle. De sortir du connu, se laisser surprendre.
Et tu l’auras compris, c’est un des piliers de ma façon de travailler : lâcher le contrôle et le connu plonger dans le présent et la surprise. Le but, ce n’est pas tant de mériter son étiquette “écrivaine” ou “artiste”, c’est déjà de goûter un moment de créativité. Qui peut à son tour mener à une oeuvre, une carrière… ou pas.
Quand le mental desserre son contrôle et son jugement, qui sait ce qui peut se passer ?
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