Bonjour à toi chatoyante châtaigne,
Commençons cette semaine en beauté :
You do not have to be good.
You do not have to walk on your knees
For a hundred miles through the desert, repenting.
You only have to let the soft animal of your body love what it loves.
Tu n’as pas à être bonne
Tu n’as pas à marcher sur tes genoux
Une centaine de miles à travers le désert, repentante.
Tu as seulement à laisser le doux animal de ton corps aimer ce qu’il aime.
Mary Oliver - Wild Geese (extrait)
La semaine dernière, je t’ai parlé de mon nouveau programme : Écris ton petit livre, et j’avais envie d’entrer en détail cette semaine sur ce qui me tient à coeur avec cette histoire de livres. Que tu fasses le programme ou non, je te partage ici un processus pour faire de la place à tes idées et à la création dans ta vie, et pourquoi je crois que c’est si important de s’offrir du temps pour ça.
La naissance des petits livres :
Quand j’ai décidé de faire naître des petits livres, j’ai senti deux choses :
Mon amour pour les mots, les récits, les phrases qui s’impriment en toi même si tu les oublies (comme ce poème de Mary Oliver que j’ai retrouvé en ouvrant mon cahier tout à l’heure)
Une intuition que tout le monde a un livre en soi. Pas au sens où tout le monde va devenir auteur ou autrice pro et consacrer sa vie à l’écriture. Mais au sens où chacun·e de nous a en elle cet espace de vérité et de sensibilité qui est la source de toute création.
Ecrire pour moi, ce n’est pas juste apprendre à enfiler des jolis mots les uns après les autres, ou faire un effet de style. La technique, bien sûr, peut aider et structurer, elle fait partie des outils à notre disposition pour jouer et aboutir à un résultat. Mais avant la technique, il y a toi : ton goût, ta vérité, ton reflet unique de la beauté dans ce monde.
C’est ça qui nous touche quand on regarde les oeuvres de quelqu’un d’autre, c’est ça qui nous arrête en pleine phrase pour regarder un coucher de soleil, et c’est quand on est coupé·es de ça qu’on se dit que la journée était pourrie, vide ou qu’on a l’impression d’avoir perdu son temps.
Ce n’est pas un truc mystique réservé aux méditants dans des grottes ou aux artistes touchés par la grâce à la naissance. C’est un espace qui existe en chacun de nous, et qui ne demande qu’à être entendu.
Ecrire vrai = honorer cette couleur unique que tu es
Mais pour ça il faut ralentir, et oser écouter ce qu’il y a à l’intérieur. Parce qu’il n’y a pas que des choses jolies et bien propres là dedans. C’est pas un truc stérile ou parfait qu’on va trouver, c’est un éclat unique de ta beauté et de ta couleur. Teinté de tes expériences, de tes préférences, de tes envies, de tes dégoûts, de tes blessures, de tout. Ya rien à jeter là dedans, tout est là et tout est toi.
Qu’on soit bien claires : je ne propose pas un espace d’art-thérapie pour aller guérir des traumas ou processer des choses difficiles. Ce n’est pas non plus un endroit pour parfaire ton sens de la bonne rime ou qu’on passe deux heures à décortiquer chaque scène de ton histoire pour trouver un meilleur twist.
C’est un espace de création, pour que tu écrives ton livre et que tu trouves ta voix. Un endroit pour écrire vrai. Je crois profondément que tu peux faire naître un livre (des livres) dont tu es fière si tu écris vrai.
Et je pense que plus tu t’entraînes à écouter et respecter cet endroit de vérité en toi, plus ta relation à la vie s’approfondit et prend des couleurs. Et oui, il s’agit d’un entraînement. Ça demande du temps, de la patience, des erreurs, de la douceur avec soi.
Être toujours la bonne personne, c’est si fatigant, et si on jouait à autre chose ?
Quand on veut se planquer et se protéger, on essaie d’être « bon·ne » : d’avoir la bonne réponse, la bonne attitude, le bon caractère, les bons résultats, les bonnes opinions… On troque le “bon” contre de l’amour et de l’acceptation… et ça marche un peu.
Mais il y a une partie en nous qui ne se contentera jamais de cette version polie et lissée de nous-même. Une partie de nous qui n’accepte rien en dessous de la vérité. C’est cette partie qui nous intéresse pour écrire (et plus largement pour vivre cette vie, pas juste la survoler).
Quand tu veux être « bonne » ou « gentille », tu vas peut être accepter d’aller boire un verre alors que tu rêves de rester chez toi à lire. Tu vas peut être fermer la porte à des pans entiers de tes émotions parce que tu trouves ça honteux ou too much. Tu vas peut être hurler sur tout le monde ou te sentir enragée mais ne jamais prendre le temps de ressentir vraiment cette colère et ce qu’il y a dessous. Tu vas peut être diminuer tes envies parce que tu ne veux pas prendre le risque de te tromper, mais craindre secrètement d’être juste une trouillarde ou de ne pas avoir de talent.
Et là, je te propose de jouer à autre chose.
L’acronyme que j’ai trouvé pour décrire ce qu’on va faire ensemble c’est :
Se
Poser
Oser
Créer
Et ça fait : SPOC (la sonorité est si plaisante. Dis le à voix haute tu vas voir : spoc. spoc! je ne m’en lasse pas 🤩)
Se poser
Les petits livres, c’est d’abord une invitation à ralentir. A arrêter de faire faire faire, de fuir fuir fuir et enfin, juste, être là. A écouter ton petit coeur vibrant, tes désirs enfouis, les zones que tu n’autorises pas forcément à la lumière du jour.
Ça va à l’encontre du rythme et de l’invitation de notre société à s’agiter, consommer, produire, rentabiliser, capitaliser. C’est entrer dans un temps plus lent et plus ouvert. Et ça serait pas étonnant que ça résiste fort à l’intérieur et qu’il y ait toujours mieux à faire que ça. C’est normal, on est plus entraîné·es à réagir qu’à ralentir.
Pourtant sans se poser, il ne se passe rien de créatif. Il n’y a que la répétition du connu sous une nouvelle forme.
On n’est pas là pour brasser du vent et cocher la case « écrivaine » sur ta bucket list. On est là pour prendre le temps de te rencontrer. Et quelle merveille que cette rencontre.
Oser
Maintenant qu’on est bien posées, on monte d’un cran : oser. Oser écouter ce qui est là peut demander beaucoup de courage.
On a une collection d’idées et d’avis sur nous-mêmes et sur la vie qui se surimposent en permanence sur ce qu’on vit. « Je ne devrais pas réagir comme ça » « Il aurait pas du me faire ce coup là » « Ah c’est bon, je sais déjà comment ça va se passer non merci ».
Plus on collectionne ces avis et plus on s’éloigne de notre sensibilité, de notre beauté, de notre connexion à nous-même et au monde. Qu’on juge l’intérieur ou les évènements, le résultat est le même : on s’évite de ressentir ce qui est là et on passe en mode solution.
Il n’y a pas de problème à faire ça, mais la création est justement cet espace où les règles peuvent changer : au lieu de chercher à résoudre les choses, on peut juste se poser pour les écouter, les observer, les goûter, jouer avec. Oser c’est oser entendre la toute petite voix, les cris étouffés, la passion, les regrets même.
C’est pas toujours confortable, et c’est pour ça que la vie est un sport individuel qui se pratique mieux en groupe. Tu as le droit de t’entourer pour faire ce grand saut.
Créer
Créer c’est prendre un risque : celui de donner une forme à ce qu’il y a dans ton coeur et dans ton imagination. Prendre le risque de dire « j’y vais maintenant » et de rencontrer tes propres limites, les endroits où ça ne marche pas, la trouille de te dévoiler, de montrer un morceau de toi.
Que tu aies envie d’écrire les recettes de ta mamie, l’interview de ton voisin à la vie incroyable, une histoire d’amour inspirée de ta vie ou pas du tout, une nouvelle flippante, tout est bienvenu.
Ça va te demander de rencontrer ton juge et censeur intérieur, qui va avoir des avis très tranchés sur ton travail et celui des autres.
C’est forcément imparfait, et ça fait partie du processus. C’est une rencontre et un dialogue qui s’approfondissent dans le temps, et je te garantis qu’en plus d’un petit livre, tu vas sortir avec du courage, de la douceur et du respect pour toi.
La création, c’est la rencontre entre toi, toi et nous.
Et si tu veux le faire ensemble, je te propose d’écrire un petit livre.
Toutes les informations sont là. On commence en janvier, pour 5 mois. Ça va être le feu, la délicatesse, l’émerveillement, la puissance et toutes les nuances de toi et du groupe.
Bonne semaine !
Laure