Jour 9 : Répéter
Challenge : nourrir ta relation à ton écriture
« C’est une règle très simple et généreuse de la vie : dès que tu pratiques, tu vas t’améliorer. »
Elizabeth Gilbert, Big Magic
Qu’est-ce qu’on pratique, depuis plus d’une semaine ? Qu’est-ce qu'on est en train d’imprimer dans nos circuits entortillés de neurones, de muscles, de nerfs… ? On pourrait dire qu’on pratique l’écriture, pourtant on n’a pas vu de technique particulière, ou de routine d’écriture.
Ce qu’on pratique c’est le fait de prendre soin de notre relation à notre art, en l’occurrence l’écriture. En fait plus précisément, on développe notre considération pour cette relation. Trop souvent, on attend des choses de notre pratique créative, sans le dire : qu’elle nous rende célèbre, qu’elle nous donne satisfaction, qu’elle nous rapporte quelque chose (ça peut être symbolique, pécunier, ou autre). On arrive avec des attentes très élevées, et ensuite on se jette la pierre quand on n’atteint pas ces objectifs en 3 semaines, “ah, l’écriture c’est pas pour moi”.
Mais c’est aussi ridicule de donner un objectif à notre relation avec l’art qu’à notre relation avec nos ami·es ou nos amoureux·ses. Pour qu’une relation soit chouette, il faut en prendre soin et la nourrir, pas débarquer avec une liste de choses qu’on souhaite en retirer. Ça va à l’encontre de la logique capitaliste et de domination qui prévaut dans beaucoup de domaines de notre société, et c’est pour ça que c’est précieux, et un peu déroutant.
Une précision : ça ne veut pas dire qu’on n’a pas du tout d’objectifs. Ça n’empêche pas non plus d’avoir un grand niveau d’exigence, de soin, et d’ambition. C’est juste une histoire d’équilibre : si l’attention est mise sur l’objectif uniquement, tu vas ressentir une tension, une forme d’exigence qui s’accompagne de déception et de jugement quand tu n’es pas “à la hauteur”. Si l’attention est mise sur la relation, tu peux toujours avoir des objectifs, et un plan, mais tu vas ressentir plus de flexibilité dans la façon d’y aller, une certaine douceur dans la détermination. Comme dans toute relation saine, tu vas prendre soin de toi aussi, donc si un jour tu as envie d’écrire complètement autre chose, tu vas le faire, si tu n’as pas d’énergie pendant une semaine, tu vas t’adapter, et écouter.
Une routine ne va jamais réparer une relation qui bat de l’aile. C’est pour ça que faire des date nights avec ton partenaire alors que t’as plus envie de voir sa grosse tête au réveil, bah ça va pas suffire. Prendre soin d’une relation, c’est s’écouter soi ET écouter l’autre, c’est une danse avec des rythmes, des saisons et des modes de fonctionnement différents. C’est pour ça qu’on ne s’entraîne pas à des routines ici, parce que je pense que la routine découle beaucoup plus facilement quand la relation est saine au départ (et si le thème de la routine t’intéresse, on a fait un atelier entier sur le sujet, dispo en replay sur l’abonnement payant)
Ça peut paraître tout petit, comme mouvement, tourner la tête de quelques micro-degrés vers l’intérieur, même pas 1 petit degré de plus par jour. Mais c’est le changement le plus fondamental pour se développer une vie créative riche et nourrissante.
Ce qu’on vise, c’est ce que Rick Rubin décrit dans son livre (que je te recommande vivement - en plus la couverture est incroyable) Créativité - Un art de vivre :
Se mettre à l’écoute de ce qui nous anime dans l’instant plutôt que ce qu’on croit qui va fonctionner.
Il va même plus loin et fait descendre l’idée de talent de son piédestal :
Le talent, c’est la capacité à laisser les idées se manifester à travers soi.
Donc le talent, c’est directement lié à cette capacité à se laisser traverser, à écouter avec tout son corps et à honorer ce qui attire notre attention.
Tout ce qu’on pratique depuis une semaine. Et qui dit pratique, dit répétition.
Donc aujourd’hui, on retourne à notre exercice d’écriture plate du jour 3 :
Où que tu sois, mets un timer de 5 minutes
Laisse ton regard se poser sur ce qu’il repère
Ecris ce que tu vois / entends / goûte / sens sans fioritures : pas de comparaison, pas de jugement, pas de monologue intérieur, pas d’images. Juste la chose, brute, telle qu’elle est
Ne cherche pas à faire des phrases ou écrire des choses incroyables. Ecris le plus plat possible.
Je joue le jeu d’où je suis : Au mur, quatre photos dans lesquelles se reflètent les lampes, elles représentent le lieu en travaux, puis fini. Les grappes de lampes pendent par trois, de gros fils noirs les relient au plafond, les filaments des ampoules brillent à travers le verre de l’ampoule et le globe transparent qui les entourent. Dans un coin, en hauteur, une plante pousse autour d’un tuteur en paille retenue par une ficelle en spirale. Les fauteuils sont jaune moutarde, bleu canard, jaune moutarde, bleu canard, jaune moutarde, bleu canard.
