Une des façons les plus fiables de perdre beaucoup de temps et d’énergie c’est de vouloir maîtriser ce qu’on ne peut pas maîtriser.
L’une des questions les plus simples et les plus libératrices que tu puisses t’offrir c’est :
Qu’est-ce qui dépend vraiment de moi dans cette situation ?
Et la réponse est souvent : pas grand chose.
Ce qui est une excellente nouvelle. Il y a tellement peu de choses qui dépendent de nous, qu’au fond on a très peu de raisons de se stresser la vie.
Liste non-exhaustive des choses qui ne dépendent pas de toi :
la météo
l’avis des autres
le temps que ça prend d’accomplir une tâche
la conduite des gens sur la route
le fait que les clients achètent ou pas ce que tu fais
l’humeur des gens avec qui tu habites
l’humeur des gens avec qui tu n’habites pas
les catastrophes naturelles
le bruit de la musique des voisins
la réaction des gens à ce que tu dis
les émotions des autres
tes émotions au moment où elles se manifestent
les chaussettes sales qui sont toujours à côté du panier
l’heure qu’il est
les chansons qui passent à la radio
le passé
les goûts des autres
le fait que certaines personnes vont te cuisiner un gratin de blettes alors que c’est le plat le plus immonde jamais inventé
tes goûts
la fin des films ou des séries ou des livres
la date de ta mort
la date de la mort des autres
le niveau de batterie de tes appareils électroniques
l’endroit où tu te trouves à ce moment
tes pensées
…
Bon bah ça nous laisse avec la liste des choses qui dépend de toi :
Comment tu réagis à ce qui se passe en toi
Euh. C’est tout.
Voilààààààààààà.
Surtout ne me crois pas sur parole, ça n’a aucun intérêt : va voir pour toi même. Prends des situations, prends des moments de ta journée, et regarde à quel endroit ça dépend de toi. Prends le temps de sentir ce qui est vrai pour toi, pas ce qui est vrai pour moi on s’en fout.
Déjà rien d’extérieur ne dépend de toi. Pfiou. Quel soulagement.
Mais si tu zoomes d’un peu plus près, les choses qui se passent en toi ne dépendent pas non plus de toi : quand tu penses quelque chose, essaie de ne pas le penser. T’y arrives ? Quand tu ressens quelque chose, essaie de ne pas le ressentir (ce qui n’est pas la même chose que le déni ou le refoulement, juste : ne pas ressentir ce que tu ressens). Pareil, ça marche bien ?
C’est assez rapidement évident que tu n’as pas de contrôle sur ce qui se passe à l’intérieur de toi, non plus.
La liste des choses sur lesquelles tu peux agir est ridiculement petite, et c’est une excellente nouvelle. Tu n’as pas à t’agiter dans tous les sens pour “sauver une situation” ou “avoir la bonne réaction”.
En fait tu ne peux que :
Observer ce qui se passe chez toi
Si c’est cool : tu chilles
Si c’est pas cool : tu vois ce que tu en fais. Soit tu es collé·e à ta réaction, soit tu as de l’espace pour questionner
Tout le reste, c’est de l’illusion. C’est se faire croire qu’on est en train de contrôler quelque chose qui arrive de toutes façons.
La question qui détend, épisode 2 :
Dès que je vois que je mets de l’enjeu sur une situation ou un évènement, je me demande toujours : ok, c’est quoi mon critère de réussite qui dépend vraiment de moi ?
J’ai fini par découvrir que la réponse est systématiquement : être présente. C’est la seule chose que je peux faire.
C’est déroutant parce qu’on s’est fait croire qu’on est aux manettes de plein de choses au quotidien. On veut pas qu’il pleuve le jour où on a prévu de sortir, on veut que les gens aiment ce qu’on fait, on veut qu’ils nous aiment tout court, mais non pas comme ça, comme moi j’ai décidé qu’on devait m’aimer. On veut que le plat soit plus joli, plus chaud, moins cuit, on veut que les potes soient dispos quand on a besoin mais qu’ils aient pas besoin quand on n’a pas envie de donner du temps. Que cette offre se vende, que les clients nous recommandent, être augmentés, que le business reprenne, que le business ralentisse pour qu’on se repose. Etc, etc.
Au final rien de tout ça ne dépend de nous, alors ça crée énormément de crispation au quotidien, presque invisible la plupart du temps.
On peut juste faire ce qui est sous notre nez, et encore, parfois même pas ça.
J’imagine à l’intérieur de nos cerveaux un petit singe hyperactif qui appuie sur les boutons et les boutons s’allument. Et le singe est persuadé que c’est lui qui fait s’allumer les boutons, alors il est tout le temps au taquet, en train de guetter le prochain bouton sur lequel appuyer pour qu’il s’allume. Il se met une pression de ouf, il faut que les choses s’allument dans le bon ordre, dans le bon sens, au bon moment.
En fait les boutons s’allument tout seuls, mais le singe a oublié. Il passe tout son temps à essayer d’appuyer au bon moment sur le bon truc, et il ne remarque même plus que c’est le bouton qui s’allume, pas lui qui allume le bouton. Il est piégé par sa bonne volonté, et il est persuadé que s’il se détend et arrête d’appuyer, ce sera la fin du monde. Il ne peut pas prendre le risque d’arrêter, ce serait trop dangereux.
Pourquoi pas donner au singe la liste la plus détendante du monde ? Et voir si la vie s’arrête vraiment quand on arrête de se faire croire qu’on la contrôle ?
Mais il est génial cet article ! Tu reprends Epictète et tous les compères qui ont écrit sur le sujet depuis des siècles mais tu le fais à ta sauce : humaine, franche, sensible et drôle. Franchement j'adore <3
Je n'étais plus inscrite à la newsletter des Aventurières depuis un moment mais j'ai une immense joie à te retrouver ici et pouvoir te relire.
Merci pour tous ces partages <3
PS : Et le nom de ta newsletter est sublime