La vie c’est quoi au final : on débarque de nulle part, on vit des expériences, et puis un jour par surprise, on canne.
Taux de survie : 0%
Taux de joie : ça dépend
Donc si on regarde ces statistiques très précises, une chose s’éclaire : jouer pour survivre, c’est pas hyper efficace.
Si on sort des situations extrêmes d’urgence et de vie / mort, il reste donc un paramètre avec lequel s’amuser : le taux de joie. C’est assez flagrant que d’un humain à l’autre, le taux de joie est très très variable. Ça va du “tout est tellement pourri et où est la lumière” à “tout est si merveilleux j’en reviens pas de la chance d’être en vie”.
En général, on préfèrerait vivre la deuxième version. Mais on est plus souvent coincés quelque part au milieu, éventuellement avec des aller-retour aux deux extrêmes. On appelle ça le “comme d’habitude”.
Et pour essayer de se rapprocher d’une expérience plaisante le plus souvent possible, on se fixe des objectifs, plus ou moins conscients, de choses et d’expériences qui sont censées nous procurer de la joie. On a des critères de bonheur inspirés soit par le collectif, la famille, ou notre expérience. Il y en a qui sont matériels, d’autres relationnels, et d’autres plus spirituels. Dans tous les cas, ce sont des idées qu’on se fait sur ce qui nous rendrait (plus) heureux (ou malheureux).
Assez spontanément et rapidement, on va donc aller chercher cette joie à l’extérieur de nous. Ça se joue dans de tout petits moments comme sur de grosses décisions : on se fait croire que quelque chose nous rend heureux : un coucher de soleil, un nouveau boulot, une relation chouette, un nouveau jeu vidéo, un bébé, une chanson qui nous met en transe, etc.
Et puis à un moment le jeu se retourne, et on se fait croire que ça nous rend malheureux. La relation, le paysage, les enfants, le job, l’argent… la source du bonheur devient la source de stress et de nouveaux problèmes. Qu’est-ce qui a bien pu merder en route ?
Ci-dessous je propose une vision pour ouvrir les fenêtres sur une autre façon de regarder le jeu de la vie, et des clés pour sortir de cette version conditionnée et limitée de bonheur.
Le jeu connu : la liberté conditionnée
Le premier jeu, celui qu’on connaît tous, et qu’on est bien entraînés à jouer, c’est celui de la liberté conditionnée.
Dans ce jeu, le facteur principal de bonheur, c’est les conditions extérieures, et les gens qui nous entourent, une version de nous qui n’existe pas mais qui sera mieux, c’est sûr.
C’est assez pervers parce que souvent, on ne s’en rend pas compte, tellement c’est “normal” de fonctionner comme ça.
Concrètement, ça ressemble à :
“Les gens sont vraiment inconscients”
“Ça ira mieux quand j’aurais trouvé ma voie”
“Mon fils me tape sur le système”
“Je suis triste parce qu’il m’a quittée”
“Le travail me met une pression d’enfer”
“J’ai un problème relationnel”
“Ma mère est horrible, elle me pète le moral dès qu’on se parle”
“Mon voisin s’en fout de l’environnement avec sa grosse bagnole”
Dans tous ces cas, non seulement tu as l’impression que c’est vrai, mais en plus tu peux en parler à plein de gens qui vont être d’accord avec toi, et renforcer ton histoire. C’est vrai que ton fils est dur, que ton job est épuisant, que les gens sont des inconscients qui s’en foutent des autres.
Parfois des gens croient l’inverse de toi, et ils te rentrent dedans pour t’expliquer où t’as tort et pourquoi leur version du bonheur et de la vie est mieux que la tienne. On appelle ça les repas de famille.
Dans ce jeu, la joie, la liberté que tu ressens dépendent des circonstances. Des fois tout s’aligne, c’est génial. Des fois ça ne marche pas, c’est les “problèmes” qui s’invitent et qu’il faut désormais résoudre. Ça occupe tellement qu’on ne se rend pas compte qu’on pourrait remettre ça en cause : et si il n’y avait pas de problème ?
Et la vie peut osciller entre ces pôles : chercher à obtenir ce qui va nous rendre heureux / éviter ce qu’on pense qui va nous rendre malheureux.
Ça remplit nos pensées, nos actions, nos conversations et nos bibliothèques (hello le dév perso!). C’est une vie intense, de montagnes russes émotionnelles et qui peut être hyper satisfaisante, comme un bon bouquin quand ça se passe bien, et un drame russe du 19è quand ça se passe mal : il y a des rebondissements, de l’amour, de la haine, des combats, des victoires et des déceptions. Bref, c’est la vie comme on a appris !
Je l’appelle liberté conditionnelle parce que dans cette version du jeu, l’extérieur, les autres, nos humeurs, nos problèmes, notre passé, etc ont beaucoup de pouvoir sur nous. On n’est pas libres ou joyeux gratos, on l’est parce que des conditions sont réunies pour que ça le fasse.
Il n’y aucun problème à jouer à ça, c’est fun (et des fois c’est chiant, ça fait partie du jeu).
Mais pour certaines personnes il arrive un moment où on se demande s’il y aurait pas autre chose qui existe. Ça peut prendre la forme d’un vide qui ne se comble jamais, et c’est sacrément inconfortable, ou d’un sentiment de décalage constant avec le monde. Ça peut être un moment où on se décolle de l’histoire et du roman qu’on est en train de vivre et on se dit “ouah mais c’est pas moi ce truc en fait”. Ça peut aussi être comme une espèce de nostalgie ou d’appel pour quelque chose de plus vrai, de plus profond. Comme une envie de retourner à la maison sans savoir exactement ce que ça veut dire.
Quand cette invitation apparaît, il est temps d’aller explorer la deuxième façon de jouer.
L’autre jeu : la liberté intérieure
La deuxième version du jeu est tellement différente que c’est presque difficile à concevoir, ça peut paraître inaccessible ou décourageant.
Dans cette version, il n’y a rien qui puisse venir t’impacter de l’extérieur. Tout ce qui se passe chez toi est juste chez toi, et l’autre n’a rien à voir avec, le contexte n’a rien à voir, ni la météo, ni tes parents, ni rien.
Un truc chez toi est chez toi. Point. Tu as toute liberté de le ressentir, de le traverser, de le laisser évoluer, et d’aller rencontrer le cadeau qu’il y a derrière.
Pas grand monde a envie de jouer à celui là, parce que ça demande de sortir des polarités : qui a raison / qui a tort, qui est gentil / qui est méchant, qui a gagné / qui a perdu.
Ça veut dire que même quand ton vieil oncle raciste sort un truc innommable à table, c’est pas lui qui t’énerve. D’ailleurs yen a probablement d’autres qui s’en foutent autour de la table. Si ça s’agite chez toi, c’est une invitation à plonger en toi.
C’est tellement radical que si c’est la première fois que tu lis un truc comme ça, tu te dis peut-être : “euh non, c’est de la grosse merde, mon oncle il est dégueu et c’est tout”.
Mais si on regarde un peu plus précisément, ton oncle raciste, il rentre chez lui peinardos, et toi tu rentres avec de la colère et de l’indignation. Lui, il va pas changer parce que tu le trouves nul et réac. Mais toi, tu te tapes la colère et ça passe pas parce que t’as mis ça sur le dos d’un vieux gars qui a des opinions que tu trouves moisies.
Donc lui il rentre tranquille, et toi tu es désormais agitée et fâchée. C’est chez toi que la paix est perdue. Pas chez lui.
C’est là que tu peux décider de jouer à autre chose. Déjà j’ai pris cet exemple délicieux parce que quand on trouve quelqu’un intolérant et nul, on est soi-même dans une posture d’exclusion et de jugement, donc on fait la même chose que ce qu’on déteste chez tonton Michemuche. C’est coincé des deux côtés.
Heureusement, il n’y a pas besoin que tonton change pour aller bien.
Ça ne veut pas dire que tu renonces à tes idéaux, que tu ne vas pas militer pour ce qui est important pour toi, que tu souris béatement dans toutes les discussions. Ça veut juste dire que tu reprends la responsabilité de ce qui est à toi : les réactions et émotions qui se déclenchent chez toi.
Une fois que tu fais ça, que tu décides de sortir du “non mais c’est un con !” pour aller dans “je suis curieuse de ce qui se passe à l’intérieur”, tu vas trouver trésor sur trésor. Il n’y a pas de règles, c’est la magie à chaque fois. Tu peux découvrir une partie de toi qui est touchée par les injustices, en prendre soin et lui donner de l’attention et de l’amour plutôt que te disputer avec un gars qui ne changera pas d’avis pour toi. Tu peux découvrir que t’as pas respecté tes limites et qu’en fait tu n’as plus envie de le voir. Tu peux découvrir que tu l’aimes hyper fort, et que tu sais d’où vient cette intolérance, ça te donne juste de l’espace pour accueillir qui il est tel quel, et par la même occasion t’accueillir dans les endroits où toi aussi, t’es pas au top. Tu peux te souvenir qu’il a plein de bons côtés, et lui dire très sincèrement que t’as pas envie de le changer mais que t’as envie de garder vos moments ensemble sur des sujets qui vous réunissent.
Et surtout, tu peux découvrir que personne ne peut te faire chier. En fait tu es libre et l’extérieur n’a pas ce pouvoir sur toi.
Il n'y a pas de limite aux cadeaux qui peuvent se présenter quand tu arrêtes de croire que tonton est responsable de ta colère et que tu décides de la rencontrer avec curiosité, comme un petit animal inconnu et touchant.
Ça marche avec la colère, la peur, la tristesse, l’ennui, la jalousie, l’envie, la joie, la puissance, l’amour, la compassion, la beauté, etc etc.
Toute réaction que tu as à l’intérieur, tu as la capacité de la rencontrer soit en mode conditionné = c’est à cause / grâce à l’extérieur, soit en mode liberté intérieure = oooh qu’est-ce que c’est que cette jolie bestiole, je veux en savoir plus et goûter pleinement ce qui est là.
Dans ce jeu, on gagne à tous les coups. Et plus on plonge, plus on se libère, et plus on gagne.
Ça peut paraître un peu fou de jouer à la liberté intérieure, mais perso depuis que j’ai commencé, c’est le feu d’artifice. Et le bonus c’est que je rencontre de plus en plus les gens comme ils sont, et comme je n’ai plus envie qu’ils soient différents, j’ai la place pour les aimer là où ils sont. Comme si la vie était passée du noir et blanc au multicolore multiforme multijoie.
Si tu as l’élan de te libérer de l’intérieur, plutôt que d’attendre que les conditions extérieures s’alignent, que les gens changent et que tous tes problèmes soient résolus pour goûter un peu de bonheur, t’es au bon endroit ici. J’ai hâte de t’en dire plus dans les semaines qui viennent.
Très bonne fin de semaine,
Laure
J'avais déjà un pied dans le deuxième jeu, tout en étant encore coincée dans le premier. L'intérêt du deuxième au fond c'est d'arrêter de perdre trop de temps pour ce qui n'est justement pas ce qu'on veut pour nous. Mais au fond le bonheur c'est aussi d'accepter d'être bousculé dans son petit confort... je crois que ce n'est jamais permanent et en même temps ça devient plus facile au fur et à mesure. Merci beaucoup pour ces mots ça fait du tri intérieur :)
Je réitère c'est difficilement facile.
Pour le moment j'en chie grave, mais j'ai quand même trouve le cadeau :-)