Bonjour Lumineuse Lettrine,
Dans cette Love Note :
Une illumination nocturne sur la façon dont on vit le temps qui va de Narcisse à la musique pop, en passant par le bien et le mal (en toute simplicité)
Des propositions de pratiques pour retourner dans le mystère et la magie de notre créativité
Il va se passer des trucs trop bien !!
Mardi 26 mars à 12h on a notre premier atelier pour abonné·es : Dépasser les blocages et la page blanche. Ça va être un moment génial, avec 30 minutes pour créer (enregistrées et disponibles en replay), et 30 minutes de questions-réponses si tu veux profiter d’un espace pour avancer sur un projet en particulier (qui ne seront pas enregistrées ou rediffusées)
Puis à partir du 10 avril on aura notre premier programme d’écriture ensemble : un petit livre d’images et de mots. C’est un programme parfait pour se surprendre, explorer les parties inconscientes et créer dans la joie. Si tout se passe bien, le petit livre que tu vas écrire devrait te surprendre et te ravir.
Les interviews de femmes qui créent :
Je commence une série d’interviews de femmes artistes, pour les interroger sur leur quotidien, leur processus créatif, et la réalité des coulisses de leur vie créative.
Si tu as des idées de femmes à interviewer, ou des contacts, écris-moi, ça m’intéresse !
No pressure, les contenus gratuits seront toujours gratuits. Si ça te parle je serais honorée que tu rejoignes l’abonnement. C’est encore en promo jusqu’à la veille de l’atelier !
Je peux être un poil mauvaise perdante. Le genre à qui faut pas trop adresser la parole si tu viens de lui mettre la pâtée dans un jeu, avec mention spéciale violence si tu es du genre “mauvais·e gagnant·e”.
La semaine dernière, j’étais à l’escalade, et je rageais sur un mur que je n’arrivais pas à franchir. Et je me suis aperçue que j’étais en train d’enlever tout le fun de cette activité : je grimpe peu, je ne le fais pas dans un objectif d’amélioration, juste parce que c’est ludique et que c’est le seul sport que je pratique avec d’autres, et j’aime le côté sociable.
A l’escalade, ce que je trouve magnifique et intéressant, c’est la beauté du geste. Il y a quelque chose d’hypnotisant à regarder grimper quelqu’un dont on sent que chaque geste est juste, adapté. Ça donnerait presque l’impression que c’est simple, tellement c’est fluide (on est d’accord qu’on n’est pas dupes, mais l’élégance peut nous faire minimiser la complexité de ce qu’on voit, c’est une de ses caractéristiques).
Par exemple, cette grimpeuse coréenne qui est connue pour sa technique impeccable (ça commence à 1:29) :
Quand j’ai commencé la guitare, ce qui m’a tout de suite plu dans l’instrument, ce n’était ni sa sonorité, ni même la possibilité de m’accompagner en chantant, c’était l’élégance de ma main enchaînant les accords sur le manche. Je pouvais rester des heures à m’entraîner juste à passer d’un accord à l’autre, comme une danse.
Abigail Thomas parle aussi du plaisir de faire courir son stylo sur une feuille, et comment un jour, au café, son amie voulait absolument savoir ce qu’elle était en train d’écrire. Comme elle est écrivaine, son amie était sûre que la moindre phrase qui sortait d’elle était brillante, intéressante, ou au moins intrigante. Elle lui a donc montré son cahier. C’était écrit :
Il est vraiment long à venir ce sandwich.
Passion process
Mon intuition (et mon vécu), c’est qu’on se gâche le plaisir de beaucoup de choses en se concentrant sur le résultat plutôt que le process. Mais pire que se gâcher le plaisir, on s’empêche inconsciemment d’accéder à la partie créatrice, fertile et amoureuse de nous même.
On veut faire des choses bien, écrire des trucs intéressants, avoir de l’impact dans sa vie ou dans sa carrière, savoir qui on est. Clairement la société capitaliste nous pousse dans ce sens : on vit collectivement nourris de mythes comme “plus c’est mieux” et “plus vite c’est mieux” et “il faut souffrir pour…”.
Notre relation au temps est complètement tordue : on court après des moments en ne savourant pas celui qui se présente. On veut des réponses et on oublie le goût du mystère.
J’adore la façon dont en parle la poétesse Maggie Smith :
Je pensais vraiment que si je réfléchissais suffisamment en écrivant ces mémoires, qu’à la fin du livre, j’aurais pardonné à tous ceux qui m’avaient fait du tort. Que j’aurais compris ma vie adulte. Que j’aurais résolu tous les mystères qui sont, de fait, irrésolvables.
(…) Spoiler alert : je ne suis pas sortie du livre avec toutes les réponses. Mais je pense que je suis beaucoup plus à l’aise, pas complètement mais beaucoup plus, avec le fait de ne pas savoir.
On est des créatures de process, perdues dans leur obsession du résultat.
On est comme Narcisse, paralysé par son propre reflet au lieu de vivre, on cherche ce qui est figé : la ligne d’arrivée, la fin, la photo instantanée d’un instant qu’on pourra juger comme raté, ou réussi. Pourtant dans la nature, ça n’a aucun sens de penser en termes de résultats. C’est quoi le résultat d’un arbre ? D’un brin d’herbe ? D’un poussin ? D’un chimpanzé ?
Même la mort n’est pas le résultat de la vie. La vie repousse de la mort, etc.
Notre obsession du résultat nous fait nous poser des tas de mauvaises questions, et chercher le bonheur dans des directions superficielles :
Comment je deviens doué·e dans tel ou tel domaine ?
Comment je fais pour aller plus vite au point désiré : la réussite (peu importe la définition qu’on lui donne) ?
A quoi ça sert de faire des choses si elles ne sont pas excellentes ?
Quels sacrifices je suis prêt·e à faire pour arriver au résultat que je souhaite ?
Ce n’est pas qu’il faut ignorer la réalité, et ne plus du tout se poser la question de ce qu’on veut et de comment aller vers ça, c’est plus de remettre l’équilibre, et de prendre le temps d’observer comment se déroule vraiment la vie : par cycles, dans une transformation et un process permanent. Il n’y a pas vraiment de “moment” figé.
Ok, merci pour le petit détour philosophique mais du coup, à quoi ça nous sert tout ça ?
Créer avec le résultat, pas pour le résultat
Il y a une deuxième conséquence à notre vision tordue du temps : pour beaucoup d’entre nous, on est addicts au jugement.
Figer un moment, se dire que le processus est “terminé”, ça nous donne la possibilité de juger le résultat, d’avoir un avis sur la question. Ça rassure et ça nous donne une illusion de contrôle.
Comme le mystère nous file entre les doigts en permanence, on prend une photo d’un moment et on peut dire “c’est nul”, “c’est super”.
Sauf que : je sais pas si t’as déjà remarqué, mais avoir l’ambition de faire un truc bien (voire grandiose), c’est à peu près la garantie d’une pression incommensurable, voire d’un projet qui ne verra jamais le jour.
La morale de cette histoire pourrait être : entraîne toi à kiffer le process plus que le résultat, ou au moins autant.
Mais c’est plus facile à dire qu’à faire, de plonger dans le processus. On ne défait pas des dizaines d’années de conditionnements en claquant des doigts ou en ayant une révélation cosmique à 5 h du mat.
Ça peut devenir un nouveau résultat qu’on cherche à atteindre : je dois être dans le processus à tout prix, pas dans le résultat. Et hop, le piège de l’habitude vient de se refermer sur nos doigts couverts de chocolat !
Je n’ai pas de solution magique à offrir, mais des propositions (et il y en a d’autres qu’on expérimentera dans notre atelier de mardi prochain) :
Rejoindre un programme avec des contraintes et des deadlines. C’est contre intuitif, mais pour moi suivre les challenges de Jeanninne Ouellette a été un grand pas vers l’expérimentation et le kif du process. C’est en m’inspirant de ce format que j’ai créé nos propres programmes intensifs (dont celui qui commence en avril)
Observer quand le plaisir n’est pas là, et trouver une sensation physique qui te plaît. A l’escalade, la sensation de propulser mon corps, les souvenirs de grimper dans les arbres qui s’étalent dans mes bras et mes jambes. A la guitare, la douce douleur des cordes qui s’enfoncent dans les doigts. Dans l’eau, la sensation de l’eau, la légèreté de mon corps qui flotte, l’émerveillement des poissons.
Faire des choses inutiles, volontairement. Je ne me souviens plus quel comédien racontait qu’il était aller se taper la honte en public régulièrement jusqu’à se sentir immunisé, et beaucoup plus détendu pour monter sur scène. Faire des choses inutiles, juste parce que ça fait plaisir. Perso, j’apprends le coréen, mollement, mais joyeusement, depuis plus de 10 ans, et à chaque fois que je m’arrête c’est parce que je me dis “non mais ça sert à rien”, à chaque fois que je reprends, c’est parce que je me souviens “mais j’adore ce truc!”
Passer du temps à observer profondément un objet, ou un arbre. Ce sera la base de tous nos programmes et invitations créatives : ralentir suffisamment pour entrer dans le mystère. C’est beaucoup moins mystique qu’on ne pourrait croire, il suffit de se poser pour recevoir.
Danser, bouger le corps d’une façon absurde, ou belle, ou douce, ou peu importe. Le corps est une porte d’entrée à accès direct sur le mystère.
Se mettre à l’écoute de son goût. Dans la même veine, c’est souvent facile d’ignorer les appels de la créativité, parce qu’ils ont tendance à fonctionner plus comme des murmures. Et puis on a tendance à beaucoup se toucher la nouille, s’introspecter, se passionner pour son paysage intérieur, notre goût nous ramène à la frontière : entre ce qui est dedans et dehors.
Evidemment, si tout ça te parle, que tu as envie de plonger dans le mystère en bonne compagnie, ou juste de te sentir accompagnée et de pas avoir à t’occuper du cadre, tu es le/la bienvenue dans les Wonder Lovers. C’est exactement mon ambition pour nous cette année : prendre une lampe, une grande inspiration, et plonger ensemble dans le Mystère.
Si tu as d’autres pratiques à nous partager, vas-y dans les commentaires, ou en répondant à cette Love Note par mail.
Bonne semaine !
Laure
Ahah merci pour l'image ! j adore me triturer la nouille en mode introspectif !!😉 le petit lait sur tant de madeleines de nos potages biographiques...!
Le titre de cette Love Note m'a tuée 😃