Mais fabrique un truc, nom d'un scroll
une réflexion en vrac sur la création, une parenthèse sur l'ia pour le référencement (lol)
Bonjour!
Je suis enjouée comme une pimprenelle qui part en vacances dans 2 semaines 1 semaine (j’ai commencé ce brouillon il y a fort longtemps).
Cette semaine on papote en vrac de : créer des choses avec les mains, sans idée pré-conçue, et du piège préféré de toutes les créatives : la consommation de contenus techniques, tutos ou autres vidéos d’inspiration pour se mettre à créer.
Réduire les écrans : oui mais comment ?
Depuis ma plongée dans le monde merveilleux des zines, j’ai passé plusieurs soirées et après-midi à bricoler dans mon appart, en ouvrant la boîte cartonnée bleu pâle dans laquelle je range tout le matériel à zine : des photos, des magazines à découper, une planche pour couper, un cutter en forme de crayon (je crois que ça s’appelle des lames de précision, en tous cas c’est extrêmement satisfaisant), et un assortiment de stylos de différentes couleurs et épaisseurs, parmi lesquels le plus important est mon pentel brush pen, qui fonctionne avec des cartouches d’encre noire mais qu’on peut remplir avec d’autres encres pour en changer la couleur (Pentel GFKPN c’est son petit nom).
Je pourrais vous faire une liste de matos de base si ça intéresse certains dans une prochaine note, sinon je vais basculer dans le côté sombre de ma passion incandescente pour les fournitures et je vais encore claquer mon PEL dans un Rougier Plé, et heureusement que j’ai pas d’héritiers parce qu’à moins qu’ils aient les mêmes intérêts ultra spécifiques que leur mère, ils seraient bien emmerdés avec leur héritage les cocos.
Bref j’ai constaté un phénomène très étonnant : le temps et la fatigue ne sont plus du tout les mêmes quand je suis en train de fabriquer des zines.
D’habitude j’ai deux types de soirées :
Sociale : je vais boire des coups avec des copain·es / j’appelle des copain·es
Scrolling : je rentre à la maison et je glande gentiment sur mes obsessions du moment via un écran avant de me rendre compte qu’il est 21h30, j’ai pas mangé mais j’ai la flemme de me faire à manger, et je tente un vague repas avant de continuer à scroller et me renseigner sur des trucs qui m’intéressent ou de lire. Parfois je suis allée au sport avant de rentrer, alors là j’estime encore plus avoir gagné mon droit à glander joyeusement.
Je précise que je scrolle souvent sur des contenus qui m’intéressent : je cherche des zines, j’écoute des masterclasses d’écriture, des témoignages d’artistes, je « m’inspire », je fais des captures d’écran de trucs que je trouve chouettes, je ricane en écoutant les vidéos de Laurene Marx. Quand je fais ça, l’illusion d’être en train de créer mes propres trucs est très forte.
Un de ces soirs scrolling, je me suis rendue compte que j’étais en train de rêver de faire des zines au lieu d’en faire. Ça faisait plusieurs jours que ma passion se transformait en une consommation effrénée de tous les zines trop cools des autres, plutôt que d’oser ouvrir la boîte et tenter de faire les miens, ce qui implique des trucs vachement plus durs comme : choisir un thème, choisir un format, tester des trucs, et du coup me planter, faire des trucs un peu moches, découper une photo pas comme je voulais et mutiler la jolie idée que j’avais en tête.
Oui ok et du coup ?
La beauté des rêves éveillés ou des milliards de beautés qu’on s’imagine pouvoir reproduire, c’est de rester dans le monde des possibles : on s’imagine écrire un roman incroyable, réaliser des peintures captivantes, réussir à créer une entreprise qui décolle, recevoir la reconnaissance, l’admiration mais aussi la satisfaction intense d’un travail bien réalisé. Le temps passé à consommer des contenus de gens qui font ce qu’on aimerait faire nous donne presque le même rush de dopamine que le faire nous même. On « s’y croit » et on reçoit une partie de la récompense chimique qui va avec.
Je réalise pile à ce stade de rédaction que le sujet de cette Love Note est pile le sujet de ma séance de psy de cette semaine, haha cette meuf fait de l’inception.
J’ai mis un moment à comprendre que j’étais en train de collectionner de l’information compulsivement au lieu de m’y jeter. J’avais une liste de 12 sujets à explorer sous forme de zines + 3-4 formats différents qui me tentaient, et je continuais à consommer au lieu de créer. A la recherche du déclic, de LA bonne idée, ou peut-être d’un souffle de l’univers pour me dire d’y aller.
C’est drôle parce que c’est la même chose pour mes newsletters. Depuis plus de 10 ans, je découvre de quoi je vais parler en même temps que j’écris. Et si je me fais attraper par la comparaison, que je commence à lire les trucs trop incroyables d’autres créateur·ices, je finis par être complètement bloquée.
Il y a un seul bon ratio entre consommer et créer : c’est celui qui te donne envie de créer plus qu’il ne te paralyse.
Si tes recherches remplacent la création, quel que soit le domaine, c’est que tu t’es fait·e piéger.
Les gens qui dirigent les grands réseaux sociaux sont extrêmement conscients de ces biais et les exploitent sans aucun égard pour notre santé mentale et notre précieux temps (clique sur ce lien pour flipper un bon coup à ce sujet).
Ce que tu peux faire, par contre, c’est regarder ce que tu consommes et voir s’il n’y a pas une part de toi qui se contente d’une vie imaginaire, alors que ta vraie envie, c’est de faire ça toi même. Je suis prête à parier qu’il y a dans ces heures de scrolling, au moins une pépite pour toi, au moins un désir créatif qui se cache par là.
La réalité c’est plus chiant mais aussi mieux
on est sur une base de titres très inspirants non ?
Quel que soit le truc que tu as envie de faire (de la photo, de l’escalade, des sculptures en aluminium, des zines !, du dessin, du jardin…), la difficulté c’est de faire le premier pas, parce que c’est super inconfortable et tu n’as probablement pas de repère de comment « bien » faire, et aussi parce que, contrairement à nos rêves les plus fous, on n’est pas des génies refoulés.
La réalité c’est que ça prend du temps et des galères pour créer des trucs bien. Mais c’est aussi là qu’est tout le fun : dans l’expérimentation.
(parenthèse IA : c’est grâce à l’IA, qui peut dessiner mieux que moi en une seconde, que j’ai enfin capté que le résultat n’est pas si important : le kif, c’est le process. Je m’en fous qu’une ia fasse un meilleur dessin de mains, ce qui est génial, c’est de dessiner 14 versions de mains bizarres et tordues, et grâce à ça, de voir les mains différemment, et peut être même de découvrir par accident une façon de les représenter qui me plaît.)
Mon dernier zine était franchement : bof. Mais en le faisant, j’ai testé deux trucs : je voulais voir si j’arrivais à imprimer des phrases dans des formats différents + répliquer un procédé de peinture abstraite pour le fond.
J’y ai passé 2 heures, de 22h à 00h un soir, à moitié au téléphone avec une copine, à moitié avec un podcast. Et résultat : j’ai un nouveau zine ! Et surtout j’ai appris à faire de nouveaux trucs avec mon appli de dessin, et j’ai fait des motifs abstraits carrément moches mais j’ai quand même envie de réessayer différemment.
Une semaine plus tard, alors que je me chouinais dessus que j’avais pas d’idée de zine : rebelote. J’ai passé deux heures à dessiner et coller des calques. J’étais absorbée par ce que je faisais. Je me suis posée des questions pour résoudre des problèmes, j’ai découpé plein de trucs avec mon super cutter. J’ai pris du papier brouillon, pas d’enjeu à « gâcher », et j’ai passé une super soirée.
Au moment de me coucher, j’ai réalisé que je ressentais une « bonne » fatigue, et c’était facile d’aller me coucher. J’étais contente. Et ça s’est reproduit depuis : quand je rentre dans cet espace de création, j’y suis bien. Rien à voir avec la fatigue du scrolling où t’as juste continuer à remplir ton cerveau des rêves des autres plutôt que de commencer les tiens.
Attention : je ne veux surtout pas dire que quand on glande, on n’a pas le droit d’être content·e de soi, et qu’il n’y a qu’en produisant qu’on acquiert son droit à être satisfait·e. Bouh le vilain capitalisme intériorisé.
Annonce (= auto-coercition)
Je l’annonce : je suis en train d’écrire un zine sur Comment avoir des conversations difficiles.
Je le dis ici comme ça je m’auto-contrains à bosser dessus et à ne pas sombrer dans un perfectionnisme paralysant : à la fin de l’été, je veux vous offrir en téléchargement ce zine, ce sera le premier que j’ose partager publiquement.
Je crois vraiment que l’un des ingrédients pour un monde plus fluide, aimant et tolérant, c’est de s’entraîner à avoir des conversations difficiles.
En attendant si tu veux contribuer, j’adorerais avoir :
Ton conseil sur « Qu’est-ce qui m’aide quand je dois avoir une conversation difficile »
Ou bien ton témoignage : « La conversation la plus difficile que j’ai eue »
ou encore : des références de livres, vidéos, podcasts, etc qui t’ont aidé·e à lancer des conversations difficiles (ça peut être de la fiction, tout est open)
Tu peux m’envoyer même une phrase, une réf ou si tu as envie un témoignage (il sera anonymisé dans le zine) par retour de mail.
Je te préviens : je me mets pas de pression sur la forme, il sera probablement hideux.
Sur cette belle conclusion, bonne semaine à toi !
Laure