Bonjour à toi, Affriolante Arapède,
Hier soir, c’était notre troisième rendez-vous du cercle des écrivaines, un rendez-vous bi-mensuel que j’ai créé pour m’encourager dans l’écriture de mon livre.
On avait décalé ce rendez-vous et honnêtement, le dimanche soir à 20h, ça demandait un peu d’effort de me connecter. J’avais mis un réveil pour m’indiquer 10 minutes avant le début de l’appel que ça allait commencer (pro tip pour les hyperactives et autres personnes obsessionnelles ou qui ont du mal avec le ressenti du temps : mettre des timers une dizaine de minutes avant le début d’une activité pour indiquer à mon corps et à mon cerveau qu’on va bientôt switcher, ça aide beaucoup).
Le cercle est animé de façon tournante, et hier, c’était Oriane qui menait la pratique. Inspirée de ses expériences de danse contemporaine, elle nous a proposé un exercice de retour au corps, puis de recueil de mot, de sensations et d’inspirations, et à partir de notre collection de mots, on a écrit des haïkus.
Ce qui est sorti était tellement beau, inspirant et stimulant, qu’on a décidé d’en faire un tout petit livre, le Tout petit recueil de Haïkus, que j’enverrai dans la semaine. Je peux déjà te partager sa couverture, pour te mettre en appétit.
Ça m’a donné envie de partager aujourd’hui sur le thème de la comparaison et de la jalousie quand les autres font des trucs trop beaux et que tu peux te raconter que toi, à côté, t’es toute nulle.
L’art d’apprécier
Depuis que je suis toute petite, j’ai intégré que les autres, c’est la concurrence. Au retour d’école, mes parents me demandaient quasi systématiquement “Qui a eu la meilleure note ?”, ou “C’était quoi la meilleure note ?” et je ne sais pas si c’était leur intention ou pas, mais dans mon système ça s’est inscrit comme : ça ne suffit pas d’apprendre, de réussir un test, il faut le réussir mieux que les autres pour que ça compte vraiment.
Une bien belle mentalité pas du tout toxique, on adore.
Du coup quand je vois des gens faire des choses splendides dans un domaine que j’aime, je sens encore aujourd’hui un mouvement de rétractation à l’intérieur. Un air de “oh non moi ce sera jamais aussi bien”, presque une envie d’abandonner direct, au minimum de me cacher.
Et c’est pas en se disant “ah lala c’est nul de se comparer, on fait les choses pour soi” que ça change quoi que ce soit, ça rajoute juste une couche de jugement sur l’affaire, donc de lourdeur.
Ce que j’ai observé par contre, c’est que la comparaison peut cohabiter avec l’admiration et l’appréciation. Et ça change le goût de ce qui est là.
Par exemple hier soir, en écoutant les haïkus des filles, j’ai eu un mouvement de “oh non les miens sont pas oufs à côté”, et puis en élargissant, en détendant le champ d’attention (je sais que c’est pas très clair comme façon d’expliquer mais pour le moment j’ai pas mieux, c’est à expérimenter par soi-même), j’ai vu qu’il y avait, juste avant la comparaison, une émotion esthétique. J’étais touchée par ce que j’entendais.
La comparaison ne s’est pas évanouie, mais c’était clair que c’était une petite boule contractée, qui s’était posée sur un élan d’appréciation et de beauté.
L’art de s’inspirer
De l’appréciation à l’inspiration, il n’y a qu’un pas. Du coup de la comparaison à l’inspiration, il n’y en a que deux. En quelque sorte.
C’était chouette de sentir cette comparaison, et, plutôt que de m’arrêter dessus, de l’élargir pour ressentir aussi la joie de faire partie de cette bande de femmes géniale, et puis l’émerveillement devant ces petits poèmes spontanés, et enfin l’excitation d’avoir créé quelque chose en quelques minutes.
Nos émotions sont souvent une constellation, mais on a tendance à focaliser que sur celle qui est la plus saillante, ou qui nous plaît le moins. Elle prend tout le paysage, et on perd de vue la beauté du tout.
Pour moi c’est particulièrement le cas quand je ressens une émotion que je juge : tout se resserre autour de ça, et j’oublie le reste. Ces derniers temps, je pratique ce dézoom, et je découvre par exemple que la jalousie cohabite parfois avec l’amour, l’impuissance et une vulnérabilité si grande qu’elle dépasse le contrôle, et d’autres fois avec la colère et les limites franchies. La tristesse peut danser avec la douceur, le lâcher-prise et le soin, d’autres fois avec la rage, la révolte et les piquants.
Le coeur n’est pas un dictionnaire, c’est un ciel étoilé. Pour communiquer on doit donner des noms aux choses, mais pour apprécier la vie, c’est plus important de les aborder avec curiosité, de prendre le temps de s’émerveiller des différentes constellations. Toutes les fatigues ne racontent pas la même histoire, et ne demandent pas la même chose, toutes les jalousies ne sont pas la preuve de ton manque de confiance, et toutes les colères ne sont pas des problèmes de pose de limite non plus.
Danielle Laporte parle de cette possibilité de changer de regard sur certaines parties de soi dans son dernier livre How to be Loving
C’est comme ça qu’on traite les parties enfermées et dépendantes de nous-mêmes. Avec mépris. Alors que ce dont toute addiction et son hôte ont besoin, c’est de compassion, de compréhension et d’espoir.
Dézoome, regarde avec quoi dansent tes émotions, et autorise toi à plonger dans cette richesse, à la tenir toute entière dans ton coeur, parce qu’il peut, et il le fait déjà.
C’est aussi ce que j’apprends en jouant avec l’écriture : si je ne veux regarder qu’une face de la pièce, ce que j’écris n’est pas vivant, pas réel, ça sent le superficiel, même si tous les mots sont bien choisis et bien ordonnés. Quand j’écris ce qui est vrai et qui frémit, c’est une constellation qui s’allume. Créer, je crois, c’est une porte pour faire ce mouvement de dézoom et embrasser tout, même ce dont on ne veut pas.
Photo : Angel An, lauréat du prix de l’observatoire royal d’Angleterre en 2023, catégorie “Skycapes”. Pour voir toutes les photos, c’est ici.
Tu veux rejoindre un cercle d’écrivaines ?
Cette pratique du cercle des écrivaines est tellement joyeuse et nourrissante, que ça m’a donné envie de la proposer dans notre communauté, par exemple avec une version payante de la newsletter. Ce serait une proposition en ligne avec deux temps par mois :
Un temps dédié à l’exploration, et à la pratique créative autour d’exercices d’écriture. Je constate à quel point mon écriture s’affine et s’approfondit depuis que je prends du temps pour ces exercices “non productifs”. En plus, c’est un temps de recharge qui nourrit les autres sphères de ma vie.
Un temps de check-in, pour partager des fiertés ou des besoins, et se soutenir les unes les autres. La vie est un sport individuel qui se pratique mieux en groupe, c’est un de mes mottos.
Est-ce que c’est quelque chose qui pourrait t’intéresser ? Réponds simplement oui en réponse au mail ou en commentaire pour que je vois si ça pourrait être une pratique chouette à proposer.
Passe une très belle semaine,
Laure