Il y a quelques années, je me suis retrouvée face à un choix professionnel de type : le dilemme de ouf.
A l’époque je bossais dans une équipe de coaches que j’adorais, et j’avais la possibilité de devenir salariée et de participer au développement du projet de l’intérieur. Mais j’avais aussi ma boîte qui se développait pas mal, avec plus de demandes de clients que ce que je pouvais honorer moi-même, et je me posais la question de me consacrer pleinement à ça. Il y avait une troisième option qui consistait à faire un peu des deux : rester en freelance pour l’équipe dont je faisais partie et faire grandir ma boîte.
Le dilemme était si intense que je saoûlais j’en parlais non-stop autour de moi, dans l’espoir qu’un conseil, une question, un partage d’expérience miraculeux m’aide à basculer et décider en toute sérénité.
J’ai fini par faire une constellation à l’aveugle : j’ai écrit les trois choix + un choix bonus : “autre” sur des petits papiers, pliés, mélangés jusqu’à ne plus savoir lequel est quoi. Je les pose par terre, à des endroits différents, et je laisse mon corps me dire quel est le bon papier.
En fonction des ressentis, je classe les papiers. Je choisis à l’aveugle, en me fiant à ce que mon corps m’indique quand je suis au bon endroit.
C’est comme ça que j’ai choisi de continuer à bosser en collaboration et de développer ma boîte en même temps. Et ça m’a pas empêchée, 7 mois plus tard, d’arrêter avec cette équipe parce que ce n’était plus juste pour moi.
Quand je repense à ce moment de dilemme, je me revois, enfermée dans ma bulle de pensées et de choix, à triturer les options dans tous les sens avec l’impression d'être à un carrefour et de jouer ma vie sur ce choix.
Tellement d’enjeu, tellement d’envie de bien faire et de prendre “la bonne décision”.
Cette crispation pour “prendre les bonnes décisions” ça part d’une bonne intention, mais c’est jamais à ton service.
C’est pour ça qu’au final, les constellations à l’aveugle, les tirages de cartes et toutes les méthodes qui permettent de sortir de ta tête fonctionnent à merveille (sauf si tu remets de la réflexion et de l’enjeu sur le résultat). Parce que le seul endroit dans lequel il y a dilemme, c’est dans ta tête. Dans la réalité il se passe rien, mais dans ta tête c’est le festival des scénarios contradictoires, et c’est ça qui fout le bazar.
Tu es pris·e dans une machine à voyager dans le temps surexcitée.
Observe la prochaine fois que tu as un dilemme ou une décision qui traînasse, tu verras ton cerveau sauter du passé au futur comme une petite bête endiablée. Dans le passé, ça va chercher les erreurs que tu ne veux pas répéter, dans le futur, les possibilités de drames ou de regrets à éviter à tout prix.
Le seul endroit où ça ne regarde pas, c’est dans l’instant. Parce que dans l’instant, il n’y a pas vraiment de problème.
Mais c’est encore mieux que ça : en fait, quand tu prends le risque de rester dans l’instant, tu découvres que c’est jamais à toi de trouver les bonnes réponses.
La vie t’amène toujours la bonne réponse
(mais c’est pas forcément celle que tu veux)
Récemment, j’ai pris pas mal de décisions impactantes, côté pro et perso. Et je sais que j’ai pris les bonnes décisions, parce que ce sont les décisions que j’ai prises. Tout simplement.
Il y a de l’intensité, oui. Des moments où mon cerveau s’emballe en mode “non mais attends t’as pas considéré toutes les options”, oui. Mais il y a aussi beaucoup d’espace à l’intérieur, pour observer ces mouvements et les questionner, ou les laisser être ce qu’ils sont sans leur donner toute la place.
Même quand je doute, j’ai confiance à 100% que la vie va me donner les infos dont j’ai besoin pour changer de route quand c’est le moment, et pour rester quand c’est le moment de rester.
J’ai pas besoin de m’occuper des “bonnes” décisions, parce que de toutes façons, l’expérience que je vais faire dans un cas comme dans un autre va m’amener les réponses.
Quand j’ai compris ça, je me suis sentie tellement légère. C’est pas à moi de trouver les bonnes réponses. Moi je prends une décision quand ça vient, avec ce que j’ai comme infos, et la vie m’amène tout ce dont j’ai besoin pour savoir si ça fonctionne ou pas.
Ça n’a jamais été ton job de trouver les bonnes réponses
Je choisis d’aller à un endroit ou un autre, et j’ai pas besoin de me demander si c’est une erreur, si je suis en train de fuir quelque chose ou si je vais me planter. Soit je le sais déjà, parce que j’ai les infos (exemple : si je mets ma main dans de l’eau bouillante, je sais que je vais me cramer et avoir mal donc je le fais pas), soit je le sais pas encore et du coup je n’ai qu’à vivre pour le savoir.
Comment je sais que cette relation est terminée ? Parce que l’autre est parti·e ou je suis partie.
Comment je sais que quelque chose ne roule pas dans mon business ? Parce que j’ai pas assez de clients, ou je m’épuise, ou tout le monde se barre de ma boîte.
Comment je sais que j’ai besoin de dormir ? J’ai sommeil.
C’est pas très populaire comme façon de voir les choses, parce que c’est souvent assimilé à de l’inconscience ou à une trop grande légèreté (ah oui pitié, que les dieux et tous les saints nous protègent d’une trop grande légèreté dans la vie, ce serait vraiment indécent).
Mais les dilemmes, et l’illusion d’avoir la bonne réponse, c’est la plus grande inconscience qui soit.
Croire que tu peux aller dans la mauvaise direction si tu prends une décision de travers, ça bloque la fluidité de la vie. Ça remet du contrôle là où il n’y en a pas besoin.
Notre job sur terre est beaucoup plus simple, mais je crois qu’on aime se donner des airs importants en surinvestissant toutes nos décisions. On préfère vivre dans la surinquiétude que dans la désinvolture.
Mais encore une fois, ça ne sert à rien de me croire sur parole. Tu peux faire le test très simplement pour toi même :
Regarde en arrière, fais la liste de trois décisions les plus dures que tu aies eues à prendre, si possible qui datent un peu.
Avec le recul, est-ce que ça valait le coup d’y mettre tout cet enjeu ? Comment tu sais maintenant que t’as pris les bonnes (ou mauvaises) décisions ?
Je revois mon dilemme d’il y a quelques années et je vois maintenant que les choses se sont déroulées parfaitement. J’ai continué, puis ce n’était plus possible pour moi et j’ai arrêté. Depuis mon business a beaucoup évolué, à chaque fois au fur et à mesure de ce que j’apprenais.
Pour la même situation, je peux me sentir vide et dans le doute, ou légère, dans la reconnaissance et la curiosité de ce que je vis. Ce n’est pas la situation qui décide ça, c’est moi. Si je m’ouvre, je reçois, si je crispe ou je contrôle, je perds à tous les coups.
Alors pourquoi c’est si duuuuuuur ?
Ce qui t’empêche de lâcher, c’est que la réponse de la vie, c’est pas toujours celle que tu veux.
Et comme la vie a un sens de l’humour un peu particulier, plus tu t’accroches à des idées de comment tu voudrais que ça se passe, plus tu vas rencontrer l’inverse, ou devoir limiter ton monde à un petit truc tout rabougri parce que tu rejettes tout ce qui rentre pas dans tes idées sur la réalité.
La façon dont je le vois, c’est pas du sadisme, c’est juste que si tu crains quelque chose, il y a une partie de toi qui se crispe là dessus, souvent inconsciemment. Tu veux prendre la bonne décision par exemple, parce que tu veux éviter une déception, des regrets, de l’échec. Donc il y a une partie de toi qui est dans la peur, dans l’évitement. Et la vie va t’aider à te détendre là-dessus.
Plus tu es crispé·e, moins il y a de choses acceptables dans ton monde. Et plus tu te détends, plus le monde devient à nouveau un jeu excitant, riche et ouvert.
C’est ce que la plupart des gens recherchent quand ils disent vouloir “retomber en enfance”. C’est pas l’enfance qu’iels recherchent, c’est ce niveau de liberté intérieure qui était plus grand. En grandissant, iels ont appris à se méfier, se protéger, se crisper face aux possibilités de la vie. Le monde est devenu un endroit risqué et menaçant dans lequel il y a des gagnants et des perdants, et il faut faire attention à ce qu’on y fait. Résultat : des adultes tendus, contrôlants, qui vont chercher la légèreté dans des substances et de la fuite plutôt qu’à la source.
Arrête de confondre le confort et le bonheur
Si on était plus honnêtes, on dirait pas qu’on veut prendre la bonne décision, on dirait qu’on veut prendre la décision qui nous amène le plus de confort au bout. Ou au pire le moins d’inconfort.
Quand on confond le bonheur et le confort, c’est l’échec garanti. Parce que rien n’est stable et durable dans le monde. Toute forme de vie est déjà en train de mourir. Et c’est tant mieux, parce que ça nous montre déjà où arrêter de placer de l’espoir en vain.
Tu veux gagner à tous les coups ? Il suffit de changer là où tu regardes : en terme de statut, de richesse, de relations, de signes extérieurs, ça va jamais être 100% satisfaisants. Ça c’est le terrain du confort : des fois yen a, des fois yen a pas, et ça varie en permanence.
Par contre si tu tournes ton regard à l’intérieur, que tu fais de chaque occasion un voyage vers toi, une possibilité de te rencontrer, te découvrir, t’apprécier, tu ne peux jamais perdre.