Petit livre d'images et de mots : semaine 6. Finaliser
Prendre le risque de finir
Bonjour Imaginative Immortelle,
Cette semaine, on va arriver sur une phase délicate : prendre le risque de finir. La notion de risque te semble peut-être exagérée, mais d’expérience, le fait de finir un projet créatif peut être une étape si dangereuse qu’on fait tout pour ne pas y arriver.
Ça peut inclure :
relire à l’infini ce qu’on a écrit sans avancer
changer de forme, de structure, de sujet au lieu d’avancer dans les contraintes qu’on s’était fixées
changer carrément de projet à mi-chemin, ou dès que l’enthousiasme du début est retombé
tout simplement oublier ce qu’on faisait
ne plus avoir de temps à y consacrer, brusquement
se mettre en tête une version si ambitieuse du projet que ce n’est même plus la peine de s’y mettre : on n’y arrivera jamais
douter de la valeur de ce qu’on est en train de créer, inviter le jugement et la trouille à décider de la suite des étapes (NOOOOOOOOOOON)
…
Donc oui, si on en croit le nombre de projets abandonnés sur le bord de l’autoroute, le nombre de livres laissés en plan à mi-chemin, ou le nombre de tableaux, poèmes, et autres histoires inachevées dans les tiroirs ou les disques durs, il faut se rendre à l’évidence : c’est pas facile de finir un livre, même un petit livre.
Je me souviens d’un ami musicien qui enregistrait son album depuis déjà 4 ans quand je l’ai rencontré. 4 ans plus tard, il en était au même point : en cours d’enregistrement.
Accepter là où on en est
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles c’est si dur : la première c’est que finir, ça demande d’accepter là où on en est.
Or les projets créatifs sont souvent transformateurs : on ne finit pas le livre comme on l’a commencé, on a changé entre temps, et c’est possible qu’en milieu de livre, on ne reconnaisse plus ce projet. Ou qu’on se mette à juger très durement ce qu’on a fait. Exit, l’enthousiasme de début de projet, la perspective de la fin nous met face à la réalité de là où l’on en est. Peut-être que les phrases ne sont pas si fluides et mélodieuses qu’elles avaient l’air dans notre tête. Peut-être que ce personnage n’est pas si crédible. Peut-être que cette histoire n’est pas si incroyable.
Les doutes s’immiscent dans le processus et viennent questionner ce qu’on a fait. Le risque, c’est de perdre de vue la magie que l’on crée, et d’étouffer son art dans de l’ambition ou des objectifs de performance mal placés.
A l’approche de la fin, on se met à regarder ce qu’on a écrit de l’extérieur, comme critique plutôt que comme créatrice.
D’un coup, comme le projet va être fini, quelqu’un va peut-être le lire. Cette personne imaginaire se glisse entre nous et le livre, et peut très bien causer l’arrêt total du projet.
L’intérêt de finir
Evidemment, l’un des avantages du petit livre, c’est qu’on peut y mettre peu d’enjeu (voire pas du tout), et le finir sans s’y perdre.
C’est un outil pour explorer sa créativité, pour plonger en soi. Je reprends les mots de l’acteur Ian McKellen :
Pratique n’importe quel art : la musique, chanter, danser, jouer, dessiner, peindre, la sculpture, la poésie la fiction, les essais, les reportages, peu importe à quel point tu le fais bien ou mal, pas pour avoir de l’argent ou de la célébrité mais pour vivre l’expérience de devenir (…) pour faire grandir ton âme.
On pourrait se dire que puisqu’on a évolué depuis le début d’un livre, ça vaut le coup d’arrêter et de reprendre un nouveau projet à zéro, forte de cette nouvelle expérience. Mais c’est fondamental d’apprendre à finir ses projets pour pouvoir approfondir son art.
Je dis bien “apprendre à finir”, parce que comme chaque phase d’un projet créatif, quand on ne l’a jamais fait, c’est très flippant.
Les ingrédients d’un bon final
Repense à un livre ou bien un film, une série dont tu as trouvé la fin particulièrement satisfaisante. Quels étaient les ingrédients qui t’ont fait aimer cette fin ?
On n’a pas tous les mêmes : il y a des fins ambiguës, des fins joyeuses, des fins dramatiques.
Sur le site de séries coréennes (qu’on appelle des dramas, qu’ils soient dramatiques ou pas) que je suis depuis des années, on a récemment eu une discussion sur les pires fins de dramas, celles qui nous ont gâché les 16 heures (et parfois beaucoup plus) que l’on avait consacré à cette série.
La fin peut donner un sentiment de complétude, ou d’inconfort, mais une bonne fin donne envie de rester encore un peu dans ce monde du livre. On referme le livre, et on le retourne, on regarde la couverture d’un nouvel oeil. On comprend, ou bien on se pose encore plus de questions. La bonne fin donne envie de retourner au début, de passer sa main sur le livre, de regarder dans le vague.
Une des fins qui m’a le plus marquée est sans doute celle de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur de Harper Lee (un livre incroyable, que je te conseille d’aller immédiatement emprunter à la bibliothèque ou acheter dans ta librairie préférée, puis d’annuler tes plans pour ce weekend pour le lire).
Je ne vais rien révéler de cette fin, mais je me souviens de finir le livre en voyage en Italie, dans le café de la bibliothèque qui ressemblait à une basilique miniature. Je me souviens de pleurer de gratitude d’avoir rencontré un livre aussi incroyable et d’avoir pu passer du temps avec ces personnages. Le regard dans le vague, , et j’avais envie d’être invisible à ce monde pour retenir la bulle de celui du livre qui commençait déjà à s’évaporer.
Prends le temps de revenir à des fins qui t’ont marquée, de ressentir à nouveau les émotions, l’état dans lequel la fin t’a plongée.
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