S’il y a une chose que j’ai envie de me reprocher quand je suis dans des situations tendues ou que je traverse beaucoup d’inconfort c’est : Laure, c’est pas possible, t’es trop inconstante. Tu changes tout le temps d’avis, de lieu de vie, de mec, même de job, de cible, de slogan sur ton site.
*intérieur : gros sentiment de honte et d’être un humain qui a pas été fini comme il faut, genre il manque des pièces*
Je suis souvent tombée dans ce piège, de confondre la constance avec de la sagesse, et en retour de me créer une image mentale très négative et instable de moi, et mon cerveau était ravi de me fournir plein d’exemples et de gens à qui me comparer pour me conforter dans ma vision des choses.
En fait je reconnais maintenant que dans ces moments de tension, je cherche la constance au mauvais endroit : je cherche la constance dans la forme que prend ma vie plutôt qu’à l’intérieur.
J’ai cherché la constance dans une relation, dans un boulot, dans des amitiés, dans un logement, ou même un lieu de vie. J’ai pu chercher la constance dans mes passions ou mes envies, dans mon rythme de journée. Et me jeter la pierre ou me dire que vraiment, ya quelque chose qui cloche chez moi, quand je juge que j’ai trop changé d’avis.
Ça glisse très vite de “ah je suis responsable de ma vie” vers “c’est de ma faute si ma vie ressemble à ça aujourd’hui, donc je suis un sombre caca inutile qui ne prend que des mauvaises décisions”.
Première étape, on peut remettre un peu de curiosité dans ce tas fumant de flagellation :
Qu’est-ce qui serait mieux ou différent si j’avais une vie plus “contante” ?
Qu’est-ce ce que j’essaie de ne pas vivre, de quoi je me protège en cherchant la constance ?
Ça permet déjà de débusquer le “vrai” sujet, ou plutôt le besoin qui est là derrière l’inconfort du moment. Par exemple, je constate que cette recherche de constance venait chatouiller autre chose : ce que je cherchais vraiment derrière la constance, c’était une forme d’amour pour moi. D’arrêter de me comparer et de m’aimer en l’état. Et quand j’ai vu ça, je pouvais déjà remettre un peu de douceur dans le système.
“Si j’en suis là, c’est de ma faute”
La ligne est fine entre la responsabilité et la culpabilisation ou le jugement. Surtout que dans une société d’amélioration, de rendements et d’optimisation, on a tendance à se traiter comme un processus à corriger en permanence.
La ligne est fine entre “je suis désolée” et “je suis vraiment nulle”
entre “je vois maintenant que j’ai réagi par peur” et “je prends tout le temps de mauvaises décisions”
entre “je traverse de l’inconfort en ce moment” et “je me mets toujours dans des situations difficiles, je le cherche c’est pas possible”.
La deuxième étape, c’est de reconnaître qu’on a toujours fait de son mieux.
Par exemple, la semaine dernière en coaching, une cliente est arrivée avec beaucoup de douleurs physiques, une charge émotionnelle et mentale très importante. Comme on parlait des critères personnels de succès pour la journée, il m’est venu cette suggestion :
Je vais bien faire ce que je peux, comme je peux
Quel critère de succès détendant. Quel espace on peut s’offrir en se disant “je vais bien faire ce que je peux”.
C’est doux de regarder qu’à chaque moment, on a bien fait ce qu’on a pu. Et ça nous a permis de grandir, peut être de gagner une nouvelle perspective et de faire différemment la prochaine fois, peut être pas.
On fait bien ce qu’on peut.
Et ce n’est pas une façon de dire que tout est excusable, qu’on ne prend aucune responsabilité et que voilà, on n’a qu’à plus rien essayer de changer puisqu’on fait bien ce qu’on peut.
Ça, c’est un nouveau mouvement de protection et de dureté. “Ah bah super, du coup on peut jamais rien attendre de soi ni des autres, génial, bonjour les critères de vie les plus bas du monde”.
Voir qu’on fait ce qu’on peut, c’est une invitation à la douceur, et à l’écoute dans l’instant. Parce que les décisions du passé, c’est fini. La seule chose qui est là c’est ce qui se passe maintenant. Et avec ça aussi, on fait ce qu’on peut.
C’est tellement intégré qu’on est censé s’améliorer, faire de mieux en mieux, se perfectionner, qu’on peut facilement oublier que la douceur, c’est très bien aussi. Il n’y a rien de mou dans le fait de s’offrir de la douceur. Ça demande même pas mal de courage de poser les armes et de dire “ok, là, j’ai fait ce que je pouvais” plutôt que de s’acharner et de se donner une illusion de contrôle en se mettant la misère.
La seule sécurité, c’est l’écoute
Récemment j’ai décidé de quitter le job que j’avais pris le temps de faire un break et sentir ce que je voulais vraiment faire professionnellement.
J’ai pas tout de suite compris ce qui se passait. C’est d’abord apparu sous la forme d’une grande fatigue, puis d’une tristesse.
Plutôt que de la fuir ou de lui chercher des raisons d’exister, je me suis assise sur une marche (j’étais dans la rue quand c’est monté), et je me suis laissée pleurer. J’ai même pas cherché de quoi j’étais triste, j’ai juste ouvert la porte à cette tristesse en mode “Bienvenue à la maison”.
Assez rapidement, j’ai senti un gros ras-le-bol monter : ras-le-bol d’être épuisée dans ce job, il est temps de bouger. J’ai vu que j’avais peur de me l’avouer parce que je savais pas quoi faire, j’avais pas encore le plan pour la suite, et pas assez de mois de travail pour prétendre au chômage et avoir ce confort mental.
J’ai laissé le ras-le-bol être là aussi.
Et presque instantanément après avoir laisser passer ce paquet d’émotions, paf ! une clarté totale, sur deux sujets :
Je veux recommencer à écrire et accompagner,
Je veux partir en Corée avec mon ami comme on en a rêvé.
Les choses se sont mises en place toutes seules ensuite. J’ai senti le bon moment pour partir. Je me suis fait plusieurs fois la réflexion que c’était le plus gros saut dans l’inconnu professionnel et financier que j’aie jamais fait.
Et pourtant à l’intérieur c’était hyper solide et doux.
Parfois je me réveille le matin avec du stress. Et je fais ce que je peux avec ça. Et peut être que dans 3 mois, ça aura bougé, et j’écouterai ce qui se passe à ce moment là.
La paix que j’ai trouvée, c’est pas la constance d’être obligée de dire oui à un truc parce que j’ai dit oui hier, ou de rester dans des relations ou des situations qui ne me vont plus. La paix, c’est cette écoute et cette honnêteté avec ce qui se présente dans l’instant.
Le cadeau, il est pas dans la forme, il est dans l’espace qu’on se donne pour être et exister. En faisant bien ce qu’on peut.
Et le paradoxe, c’est que c’est beaucoup plus sécurisant.
Des propositions pour partager et commenter :
Est-ce que tu as déjà pris une décision en apparence loufoque ou instable qui s’est avérée être magnifique pour toi ? C’était quoi ?
ou
Partage un moment de vie où tu sens que tu t’es vraiment écouté·e.
Il y en a tellement des décisions qui de l'extérieur paraissaient "loufoques". Pas plus tard qu'hier j'ai décidé de rester. Même si j'en ai ras le cul que mon mec soit malade (ça fait presque deux ans) et que j'en chie et que c'est dur, j'ai décidé de rester. Car dans tout ce bordel, ça arrive même à être beau. D'en chier ensemble, de pleurer ensemble, de faire l'amour à deux heures du mat même si je sais que le lendemain c'est moi qui me lève pour les petits. Qu'on est subventionnés par nos parents pendant ce temps et d'avoir parfois honte pour ça et de croire en moi, en nous au plus profond. Tout ça mélangé me fait rester car mon cœur me dit que c'est par ici !!!!