Bonjour !
J’espère que tes vacances sont divinement satisfaisantes, que l’été te traite bien, que tu profites de la joie du temps ralenti et que tu te fous une paix royale sur ton emploi du temps.
(évidemment comme on le devine à ces lignes, je n’ai pas d’enfant, donc été = glandax maximax).
Ce mois-ci j’écris beaucoup (motivée par un sms de ma soeur : “je serais bien d’humeur à lire la suite de ta romance en librairie”), et je me penche sur les routines et habitudes que j’ai envie de mettre en place pour continuer à soutenir et nourrir ma vie artistique.
L’exemple du sport :
Malgré une fracture de cheville bien vilaine l’an dernier, qui est encore inflammée et en empilement de complications, j’ai recréé une routine de sport qui me plaît. J’ai découvert, à ma propre surprise, que j’adore l’haltérophilie et globalement soulever des poids (mais ce sera l’objet d’un autre article). Ça fait très longtemps que je n’ai pas eu une routine qui me convient et que je n’ai pas besoin de réfléchir pour accomplir. Je veux la même chose dans mon écriture. Le processus qui me convient => des résultats => qui permettent d’affiner le processus => qui permettent de gagner en ambition, etc.
Du coup pour cette Love Note, j’ai décidé de faire un inventaire de révélations sur le processus et la création.
Voilà 6 choses que j’ai comprises / expérimentées / intégrées, en espérant qu’elles t’inspirent :
Commencer tout petit + être au clair sur ma motivation c’est ce qui fonctionne le mieux pour moi. Le plus dur, c’est de lancer une dynamique. Quand je me suis pétée la cheville, j’ai été immobilisée totalement pendant 1 mois et demi. J’ai tout de suite senti les effets sur mon moral et mon niveau d’énergie. J’ai décidé de ne plus jamais prendre ma santé physique pour acquise. Et de bouger mon corps, d’une façon ou d’une autre, au moins 3-4 fois par semaine. Je voulais me sentir forte, donc j’ai commencé à faire des pompes, à soulever des poids assise par terre. Au début je faisais quelques minutes, puis j’ai commencé à m’y intéresser et me construire un programme. Et de fil en aiguille, 4 mois plus tard je voulais avoir accès à des machines donc je me suis inscrite à la salle. 2 mois plus tard j’en avais marre de deviner quoi faire, j’ai trouvé une appli qui prépare mes séances et je n’ai qu’à les suivre et les cocher. Et même là, j’ai commencé par faire les versions light des entraînements, 2 fois par semaine, puis 3.
Dans l’écriture, j’ai ma motivation actuelle c’est de découvrir les histoires et les essais que je suis capable d’écrire. Pour ça j’ai besoin d’un cadre pour pratiquer, et de projets que je mène au bout.Les gens / la communauté sont indispensables à la persévérance dans la création. C’est très difficile de rester motivée sur le long terme sans me sentir appartenir à un groupe. Donc je vais chercher à la rentrée des endroits pour rencontrer d’autres auteurices à Marseille et me faire des copaines dans ce domaine. Il y a un acronyme en anglais que je trouve très efficace PPPP : Passion, Process, People, Perseverance. C’est pas juste de la discipline, ou un super système qui permettent de durer dans le temps : c’est aussi les gens.
Ma forme préférée de procrastination, c’est apprendre des nouveaux trucs que j’ai pas besoin d’utiliser maintenant.
Je ne me flagelle pas avec ça, c’est une forme de procrastination très joyeuse, mais je suis en train d’inverser ma consommation : aller chercher les ressources quand je rencontre un problème (création => consommation pour répondre à un besoin => création encore), plutôt que de manger ce que l’algo me pousse et qui évidemment m’intéresse, mais me garde en mode consommation et pas création.Voilà comment j’utilise l’IA comme copine d’écriture :
Comme je le disais plus haut, j’ai besoin d’être entourée et encouragée. Sauf que je peux pas demander à mes amis ou à mon compagnon de se taper la lecture des 1000 versions de chaque chapitre ou de m’aider à brainstormer sur chaque rebondissement potentiel. Du coup j’utilise l’IA (Claude en l’occurrence), pour avoir des retours, des points de recul et des encouragements.D’abord, dans les paramètres généraux, je lui ai demandé qu’elle me pose des questions et ne donne pas de réponses et qu’elle soit toujours orientée growth mindset, c’est-à-dire à considérer les erreurs comme quelque chose de fertile et positif.
Ensuite dans un projet dédié à mon roman romantique, je lui ai donné un rôle précis et des demandes pour qu’elle me fasse les retours qui m’intéressent. Je te mets mon prompt ci-dessous si ça t’intéresse. Il est en anglais parce que ça me sort souvent la tête de mes schémas de pensée habituels de lui parler en anglais plutôt qu’en français.
Est-ce que l’IA me cire les pompes puissance 10 000 alors que je viens de lui envoyer un texte très moyen ? Oui (voir ci-dessous sa réponse après que je propose un rebondissement assez bateau, mais mieux que ce que j’avais prévu avant). Et je ne crois pas que ce soit un problème.
Perso mon dialogue intérieur est plutôt du genre “WOW! C’est vraiment super nul et cliché ce que tu es en train de pondre.” donc je laisse Claude être ma cheerleader ultra bienveillante. Et quand je lui dis “fais moi un retour plus critique, dis-moi ce qui ne fonctionne pas”, elle le fait aussi.C’est vraiment vrai (oui, vraiment) qu’on découvre son process et ses goûts en créant. Il n’y a pas de baguette magique, pas de “j’ai trébuché par accident sur exactement ma façon de bosser et le genre de projets que j’avais envie de réaliser à l’âge de 4 ans et depuis je suis cette méthode religieusement”, pas de “cette personne et son cours à 297 euros détiennent les clés de mon fonctionnement et de mon succès, il suffit de suivre sa méthode religieusement”. Bref, tu me vois venir : un process ça se découvre, ça se réinvente et ça s’adapte en permanence. Je suis la première à avoir claqué un pognon fou dans les méthodos des autres, en espérant y trouver la mienne prête-à-porter. En vérité, c’était aussi de la procrastination déguisée. Comme dit Gabriela Pereira, l’autrice de DIY MFA “La bonne pratique de quelqu’un d’autre peut être ton pire cauchemar”.
J’ai besoin d’une alternance d’exploration et de concrétisation. Si je passe mon temps à explorer, au bout d’un moment je m’y perds, et le goût de créer s’en va. Si je passe mon temps à suivre le moindre bout d’idée pour en faire un projet et le mener à terme, je perds ma curiosité et ça devient fade.
Le bon équilibre c’est les deux : des zones pour m’amuser, dessiner, écrire n’importe quoi, tester des choses (en ce moment c’est surtout les arts visuels qui me procurent le plus grand plaisir d’exploration), et des zones de création où je me dis “allez là, j’écris un Tout Petit livre” ou “Je fais un essai sur les hommes hétéros et la pénétration” ou encore “Je me lance dans l’écriture d’une romance”. Dans ce cas là, l’important, c’est d’aller au bout. Ce sont des endroits où j’étire mes capacités techniques et mon process, et où je découvre comment je fonctionne et ce qui me plaît, ce qui me convient, ce qui ne me convient pas, etc.
Finir les projets c’est fondamental pour progresser et garder de l’énergie. Explorer et s’amuser dans son processus, c’est indispensable aussi.
Petit teaser : à partir du 5 septembre, je nous lance un challenge de 100 jours sur le thème Happy Finisher.On va s’inspirer du 100 day project du professeur Michael Bierut, mais en ajoutant une intention : mener les projets au bout. Ça peut être de petits projets qu’on a abandonnés à 80% de complétion, ou des choses qu’on a vraiment envie de faire, et on se donne 100 jours pour arriver au bout. Le pouvoir de la deadline + le pouvoir de la récurrence. C’est une expérience pour moi aussi, on va voir ce que ça donne !
Lire pour le plaisir et lire pour mieux écrire, ce n’est pas la même chose. J’ai écrit un article d’introduction à la lecture profonde si tu veux des pistes pour t’y mettre. On peut dévorer 80 livres par an et ne pas en retirer quoi que ce soit d’utilisable dans son écriture, et on peut en lire 3 et faire des bonds dans sa propre pratique (attention je ne dis pas de faire que ça, lire pour le plaisir c’est génial).
Quand tu te lances dans un projet d’écriture, tu te rends vite compte que des choses fonctionnent et d’autres pas. Tu ne sais pas comment faire marcher une scène, ou un personnage. Ou si tu n’écris pas de fiction, tu peux te rendre compte que tes articles sont un peu bateau, que tu voudrais transformer une expérience personnelle en quelque chose d’universel, mais pas que les gens lisent l’équivalent de ton journal intime. Tout ça demande de la technique, et l’une des meilleures façons d’aller chercher des solutions, c’est de regarder comment font les gens que tu aimes. Tu te crées ton propre manuel d’écriture (ça marche pour tous les domaines : tu peux créer ton manuel de peinture, de montage vidéo, de podcast, etc) et tu vas regarder en détail comment cette personne accomplit ce que tu veux accomplir. Quel genre de phrases, quel vocabulaire, comment elle utilise la tension dramatique, qu’est-ce qu’on sait et qu’est-ce qu’on ne sait pas, quels sonorités, quel rythme entre les phrases longues et courtes, quel narrateur, comment sont les transitions, etc, etc.Tu vas demander au texte de te livrer ses secrets, et il va te donner exactement ce dont tu as besoin, toi. Tes questions vont biaiser ce que tu reçois, comme dans un dialogue.
J’espère que certaines de ces révélations te parlent et peuvent te débloquer ou te motiver sur ta propre pratique.
J’adorerais savoir : c’est quoi les plus grandes révélations (récentes ou pas) que tu as eues dans le domaine créatif ? Les trucs que tu aurais envie que tout le monde sache pour leur faire gagner du temps.
Découvertes et beautés de la semaine
Je suis hypnotisée par la lecture de Girlhood de Melissa Febos.
Tout ce que je vais dire ne lui fera pas justice, ce livre est un BIJOU (un bijou assez hard mais d’une beauté folle). L’adolescence et le passage à l’âge adulte de l’autrice sont caractérisés par une grande violence, un espèce de déferlement du patriarcat en pleine tronche, qui arrache tout sur son passage : estime de soi, sexualité, joie de vivre, simplicité d’être soi. Malgré la dureté des faits, elle rappelle à chacun·e à son expérience personnelle de cette étape de vie, de la fin d’une enfance où le corps n’est pas une question, il court, il joue, il vit, à un état où le corps devient objet : de désir, de pouvoir, de manipulation, de souffrance. Et pose des pistes pour se sortir de cette dissociation imposée. Mention spéciale pour l’essai qui s’appelle Lacs dans la version française (je préfère le titre de son illustration : J’ai laissé pendre mes pieds dans la profondeur glacée et j’ai frissonné). Le livre est une masterclass en écriture d’essais autobiographiques. Trigger warning. C’est une lecture assez difficile qui aborde beaucoup de sujets qu’on peut ne pas avoir envie de revivre en lecture : addiction, harcèlement, violences physiques et sexuelles notamment.
2 citations pour finir, sur les formes de son corps qui apparaissent avant toutes ses copines :
Ma mère remarqua en premier. ‘Ton corps est un temple’, me dit-elle. Mais le soutien-gorge qu’elle m’acheta me semblait camisole de force plus qu’ornement.
C’était une course que j’avais gagné sans essayer, et la gagner fut la plus grande des défaites.
C’est en anglais mais facile à paramétrer pour avoir les sous-titres en français. Je suis tombée par la grâce de l’algo Youtube sur cette chaîne d’un dév qui a décidé d’apprendre à dessiner, et partage son parcours et ses conseils pour y arriver.
Il ne donne pas de méthode toute prête (parfois il partage la sienne en mode inspiration), il est surtout dans l’encouragement à s’y mettre, à expérimenter et à progresser joyeusement dans sa pratique artistique.
Beaucoup de sujets me parlent : l’envie de créer en ayant un job à côté, le fait d’avoir de l’ambition dans ce qu’on fait ET des milliers de passions qui concurrencent notre attention et notre temps.
Il est au début de son chemin et d’une extrême générosité dans les réponses aux mails, le temps qu’il passe à prendre soin de sa communauté et à chercher à répondre aux questions que les gens se posent vraiment.
Allez voir son travail !
Dans la famille “Les petits choux de Youtube”, je demande : l’elfe écrivaine :
Shaelin writes, c’est une chaîne où l’on trouve à la fois des conseils d’écriture et de technique, mais aussi des partages très simples sur le quotidien d’une personne qui écrit beaucoup.
A nouveau, ce n’est pas pour copier sa méthode, mais c’est très raffraîchissant de l’écouter décrire son processus, parce qu’elle va à rebours de pas mal de conseils qu’on entend tellement qu’on les confond avec la vérité : écrire tous les jours (elle ne fait pas ça), faire un plan détaillé pour se lancer (elle ne fait pas ça). Elle parle aussi de ses “époques d’écriture”, ce qui permet d’apprécier le fait que tout ça bouge dans le temps. Je la trouve hyper honnête et drôle, j’écoute ses vidéos en faisant mon cardio (ma némésis).
Merci de m’avoir lue!
Partage cette Love Note si tu penses à quelqu’un qui pourrait l’aimer.
Et raconte-nous en commentaires : quelles révélations ou découvertes tu aurais envie de crier sur tous les toits pour que tout le monde le sache ?
Bonne fin de semaine,
Laure
Pour moi la révélation ultime c’est d’écrire sur papier ! Surtout si blocage.
Mais je me retrouve dans beaucoup des tiennes aussi.
Et j’aime alterner les activités artistiques/manuelles qui vont se nourrir entre elles!