Bonjour Coquin Quokka de Quito,
Dans cette Love Note :
Un partage et des propositions pour écrire les zones sombres, sans se noyer dedans
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Cette semaine pour les abonnées :
Demain j’ouvrirai à la suite de ce post une question / discussion sur : les textes ou histoires sombres qui nous ont amené de la lumière
Jeudi tu recevras une vidéo pour partager les coulisses de révision d’un texte : comment je suis passée d’un essai écrit dans la colère à un poème oral jouissif
No pressure, les contenus gratuits seront toujours gratuits. Si ça te parle je serais honorée que tu rejoignes l’abonnement. Il y a deux formules : pour l’équivalent de 1,90 euros par semaine tu t’offres une année d’exploration et de communauté pour nourrir ton écriture. Pour les Sooooo Amazing Lovers, c’est à partir de 2,90 euros la semaine et ça te donne aussi accès aux coulisses de projets comme la résidence artistique en Equateur, des rencontres lives ensemble et des lectures surprises.
Il y a quelques semaines, dans le cadre d’un exercice d’écriture (qu’on fera très certainement dans notre programme Un livre d’images et de mots en avril), je me suis retrouvée à revisiter une scène très dure de mon passé.
Pour te donner un peu de contexte, l’exercice consistait à jouer avec l’environnement et le “décor” dans notre histoire. Ou plutôt, à laisser l’environnement parler et donner une autre dimension à l’histoire.
A ma grande surprise, la scène sur laquelle j’ai eu envie d’écrire est sortie d’un des souvenirs les plus saillants de mon adolescence (le texte original est en anglais, il y a des passages qui demanderaient un poil plus de travail à mon goût pour la version française) :
Elle se tenait au milieu de la route. Pourvu que le téléphone sans fil capte jusque là.
De quoi avait-elle l’air ? Une gamine de 16 ans, en survêt, fusil à la main. Elle ne se souvenait pas de l’avoir pris avec elle. Où était passée sa soeur ? La route s’étirait d’un demi-kilomètre de chaque côté, disparaissant en deux virages à 90 degrés qui les tenaient à l’écart du reste du village. C’était sa maison d’enfance, elle avait toujours habité là. Une construction de briques inattendue en haut d’une côte, entourée d’une forêt épaisse, et reliée au monde par cette unique route. Deux types de personnes empruntaient cette route : ceux qui leur rendaient visite, et ceux qui avaient fait fausse route et passaient en trombe pour retourner sur la route principale.
Enfin, quelqu’un décrocha. Sa tante.
“Il faut que tu viennes. Maman a essayé de se tuer.”
Elle raccrocha et resta sur la route sans bouger, les yeux plissés, guettant le virage d’où allait apparaître la voiture. Tout irait bien à partir de maintenant.
Une attirance pour les parts cachées de notre humanité
Ça m’est arrivé souvent, quand je me pose pour écrire, de me rendre compte que j’ai un goût pour les histoires sombres. Ou tout au moins les histoires complexes, voire un peu effrayantes. A 18 ans, je voulais écrire une série de nouvelles qui se terminaient toutes atrocement mal. A 27 ans à Lyon, j’avais découvert un petit bar très mignon qu’on n’a jamais retrouvé ensuite, et de là est né “Le bistrot de la dernière chance” : un lieu qui n’apparaîtrait qu’aux personnes sur le point d’aller se jeter dans le Rhône, pour leur offrir un ultime sas de partage et d’humanité, et plonger dans les nuances de chaque désespoir. Un peu comme la Cantine de Minuit mais version je-veux-me-foutre-en-l-air.
J’adore lire de la romance, des histoires qui font du bien, des petits bonbons japonais sur des gens qui retrouvent le chemin de leurs rêves et de leur joie, mais j’ai aussi une attirance pour la partie plus sombre et mal éclairée de notre humanité.
Je pense que c’est parce qu’il y a énormément d’énergie à ces endroits là. Je suis terrifiée par certaines parts de l’humanité, et j’ai quand même envie d’aller les explorer et de voir à quoi elles ressemblent à la lumière.
Ce n’est pas de la curiosité morbide, ou pas que, il y a aussi l’intuition que les monstres ne sont pas ce qu’on croit, et qu’eux aussi, ils ont besoin d’être vus. Je sais que plonger dans cet endroit avec uniquement une lampe torche et de la curiosité ramène toujours vers la lumière, même si ce n’est pas facile et ça ressemble à chaque fois à une nouvelle mission suicide.
Récemment, j’écoutais une interview avec la très étrange et géniale Abigail Thomas (je mettrais les réfs en bas de cette Love Note pour les anglophones) et elle disait qu’elle traquait ces endroits dans l’écriture de ses élèves. Les replis où on laisse les choses dont on n’a pas envie de parler :
Le secret c’est que s’il y a quelque chose que tu as caché, même à toi-même, et que tu ne veux pas le regarder, tout son pouvoir vient du noir. Tu peux ramener ça à la lumière, et oui, c’est quand même quelque chose que tu préfèrerais ne pas regarder mais alors c’est délimité, ça a des bords et ça perd son pouvoir une fois que tu l’écris. Et l’autre chose c’est que plus tu te rends vulnérable, plus tu deviens fort·e”
Abigail Thomas, interview de Paul Zakrzewski The book I had to write
Écrire le sombre sans sombrer
Ceci dit il y a une grande différence écrire pour vider son sac, dans un journal par exemple, et transformer une expérience ou une histoire par un acte de création. Ce n’est pas qu’il y en ait un plus utile que l’autre, c’est juste que ce sont deux pratiques très différentes. Et parfois il doit s’écouler du temps avant qu’on puisse se décoller de ce qu’on a vécu ou de ce dont on parle suffisamment pour lui donner une forme. Parfois on écrit au milieu du tumulte et ça se décolle en créant.
En tous cas, on n’est pas là pour se punir ou rajouter de la lourdeur sur des vécus douloureux. Ce n’est pas parce qu’on a vécu quelque chose de dur qu’on doit automatiquement écrire dessus, c’est juste que parfois, ça sort de tous les côtés et on tourne autour de ce pot tant qu’on ne l’a pas exploré.
La question dans ce cas c’est comment faire pour écrire comme on allume une lampe dans le placard de noirceur, sans s’imposer d’y retourner et d’oublier que la lumière existe.
Cette question n’est pas un truc de débutant ou d’amatrice : Barbara Kingsolver, qui a eu plusieurs prix littéraires et une longue expérience avec son écriture, en parle dans la postface de son livre On m’appelle Demon Copperhead, où elle remercie son mari :
Steven Hopp, en plus de lire et discuter avec moi de chaque page, m’a nourrie à mon bureau, accompagnée dans mes aventures de recherches, et sortie au soleil, encore et encore, pour me ramener des endroits sombres que cette histoire me demandait de visiter.
Il n'y a pas de recette miracle pour aller écrire le sombre sans sombrer, donc ce qui suit sont des suggestions, des pistes à explorer et enrichir.
Suivre son plaisir et son goût
La première chose, la plus évidente et facile à ignorer : y aller parce qu’on a envie. Quand j’ai écrit la scène de mes 16 ans, j’ai adoré jouer avec cette route qui s’étire de chaque côté, avec cette scène et ce narrateur qui sait tout mais écrit à la troisième personne. C’était très kiffant de redécouvrir ce souvenir avec cet angle, d’explorer cette maison en me demandant comment elle apportait une dimension nouvelle à l’histoire, qu’est-ce que ça racontait sans passer par mon analyse ou mes explications.
Les histoires du Bistrot de la dernière chance, j’ai terriblement envie de les écrire. Je ne sais pas quand ce sera le moment, mais j’adore l’idée de ces personnages qui se rencontrent à un seuil de leur vie, un moment sans bonne réponse, où soit ça continue soit tout s’arrête.
On peut plonger dans l’ombre avec joie. J’imagine que des créateurs comme Tim Burton ou Neil Gaiman sont dans cette danse joyeuse avec le sombre.
“Écrire dans les questions”
Ce conseil vient de Maggie Smith (la poétesse pas la comtesse de Downton Abbey). Son livre You could make this place beautiful parle de son divorce et elle l’a écrit en plein milieu de l’action, pas des années plus tard armée d’une belle leçon de vie à emporter. Elle a écrit au coeur du sombre et de la colère. Et régulièrement le livre propose :
Une amie dit que tous les livres commencent par une question sans réponse.
Alors quelle est la mienne ?
Elle donne ce même conseil pour l’écriture, en disant que “écrire ce que l’on sait”, c’est un bon conseil pour écrire la notice d’un rice cooker, pas pour écrire un poème. Au contraire, elle propose d’aller volontairement, curieusement explorer les poches d’ambiguïté, les zones sans réponse évidente.
Respecter son timing et s’écouter
J’ai souvent lu des interviews d’autrices et auteurs qui disent que créer les a sauvés. Je ne sais pas ce que ça veut dire, ce n’est pas mon expérience. Je comprends que pour certaines personnes, la création fait cet effet cathartique et libérateur, mais ce n’est pas le cas pour tout le monde.
La poétesse Mary Oliver a été abusée enfant, mais son oeuvre est centrée sur la nature, la beauté. Elle s’est très peu exprimée à ce sujet.
Il n’y a pas de recette : peut-être que tu as besoin / envie d’écrire sur des choses sombres, et peut-être que tu as envie de nous régaler d’histoires romantiques ou de familles heureuses et garder tes placards sombres pour la thérapie.
Ecoute toi, écris ce que tu veux.
Écrire pour soi
A une rencontre avec la poétesse Hollie McNish, elle a partagé qu’elle passe beaucoup de temps seule, et qu’elle écrit énormément, mais la plupart des choses, elle les écrit pour elle-même : pour comprendre ce qu’elle ressent, pour traverser un moment, pour évacuer… ce sont des textes de elle à elle.
Ça a ouvert une fenêtre, même carrément une véranda dans ma tête : la possibilité d’écrire quelque chose qui ne soit pas un journal (je n’aime pas cette pratique, je l’utilise très rarement), mais qui ne soit pas non plus destiné à être lu par quelqu’un d’autre.
Écrire ensemble :
L’écriture n’a pas besoin d’être un exercice aussi solitaire qu’on l’imagine. Il y a un pouvoir particulier qui se déploie quand on est en groupe. Quand on lit ses textes à voix haute, pour soi et pour les autres en même temps. Quand on est témoin de la vulnérabilité des autres, et qu’on reçoit le soutien et l’encouragement à être soi dans un groupe.
C’est pour ça que j’ai créé les Love Notes en ayant en tête le mot communauté, et que j’ai un plaisir immense à animer des groupes et voir chacun·e éclore. C’est parfois plus fun de plonger dans ses profondeurs en bonne compagnie.
Partage nous en commentaires : est-ce que tu te sens attiré·e par les histoires sombres ? Tu as des conseils à nous partager pour aller écrire ces endroits là ?
Bonne semaine,
Laure
Si ce contenu t’a plu, rejoins les abonné·es pour participer aux discussions de la semaine sur nos ouvrages sombres et lumineux préférés.
J’ai cité des autrices très très cools dans cette Love Note, voici des ressources pour les retrouver :
Et bien oui et même je pense parfois que
Seul le sombre me plaît ,
Et c'est aussi peut-être ce qui me Terrifie horrifiquement ...
Un ami m'a dit après lecture du seul livre que je considère avoir écrit : " j'ai eu l'impression d'avoir eu la main dans un hachoir pendant toute ma lecture"...
Mon petit vieux prof de français au lycée qui avait lu mes textes poétiques en 5eme m'avait ensuite donné un RDV pour me demander si tout allait bien chez moi...
Les nuits sont belles , et pas comme les jours...
Je ne peux que vous conseiller de vois relier à cette Voie de votre coeur et d'oser plonger en APNÉE dans le cœur de vos diamants bruts, c'est sûrement bien ici que gît l'OR...et que l'OR gît...