Il y a quelques années, j’ai fait un burnout. J’étais sur le cul parce qu’en théorie, j’avais aucune raison de me retrouver collée au lit 14h par jour à pioncer sans pouvoir faire grand chose d’autre. J’étais excitée quand ça a commencé : nouvelle boîte, nouvelle ville, nouveaux potes, nouveau contexte. Ça a pris moins d’un an pour passer de “youhou !! une nouvelle vie, un boulot prestigieux (et une paire de claques pour la 12).” à “qu’est-ce que je fous là ?”.
Je pourrais dire que ce job était particulièrement dur moralement, mais la vérité, c’est que ça faisait des années que ça traînait. Depuis mon adolescence.
Tu vois, à 16 ans, j’ai fait une dépression. C’est la première fois que j’en parle parce que c’était un sujet de honte et de peur très intense pour moi. Ma mère est très probablement bipolaire non diagnostiquée, et j’avais une trouille colossale de vivre la même chose. Je l’avais vue souffrir toute ma jeunesse, sans réel soutien psychologique, parce que personne savait quoi faire de ça, c’était les années où on n’allait pas voir de psy si on n’était pas fou, donc tout le monde souffrait dans son coin #bonvieuxtemps. Quand le mal-être est arrivé, j’ai fait ce que je pouvais : un mélange de déni + lutte.
Puis j’ai mis 18 ans à pleinement accepter et finalement comprendre ce qui s’est passé à cette époque, sans me voir comme une victime d’un terrible malentendu génético-psychologique.
À 16 ans, au moment de choisir mes études et d’entrer dans la vie adulte (en tous cas de partir de chez mes parents pour aller à la fac) j’ai décidé inconsciemment que mon énergie naturelle, qui était drôle, enthousiaste, légèrement timbrée, c’était un truc immature, qu’il fallait laisser derrière. A partir de maintenant, j’allais devoir être adulte : sérieuse, organisée, cadrée. Une vie réussie, ça pouvait pas ressembler à moi, dans ma tête. Et j’ai mis qui j’étais vraiment, naturellement et sans effort, au régime sec : fini la rigolade.
Comment ça a marché ?
Ça dépend ce qu’on regarde. Dans les années qui ont suivi, j’ai fait une grande école, j’ai trouvé du taf quasi tout de suite après mon diplôme, j’ai commencé à bosser et j’étais plutôt appréciée dans mes différents jobs. J’ai gagné bien ma vie. J’ai fait des voyages. J’aurais pas fait tache de gras sur nappe en lin sauvage à une soirée d’anciens élèves quoi.
Mais j’ai continué à avoir des épisodes de déprime/dépression et j’avais un truc en moi qui s’agitait de plus en plus. Un goût insatisfait, une bestiole affamée qui était de plus en plus proche de la folie et qui demandait à être écoutée.
Cette bestiole affamée, c’était mon fonctionnement naturel, mon énergie à moi. Ce truc que j’avais condamné et cru devoir laisser dans “l’enfance”.
Je pensais que grandir, c’était “me calmer”. En fait être moi, dans toute ma légèreté, mon enthousiasme débridé, ma joie de créer et d’imaginer, c’est ça qui me pose, qui me laisse en paix.
À 28 ans, la lutte entre mon énergie à moi et ce que j’avais pris comme messages, injonctions et modèles extérieurs s’est soldée par un K.O. : je me suis retrouvée à pleurer dans le bureau de ma médecin, qui m’a arrêtée pour 1 mois et demi, le temps de me reposer.
Je ne savais pas ce que j’allais faire, mais c’était un réveil assez brutal et efficace : pas question de continuer à m’épuiser. Je n’avais aucune idée de ce que je voulais vraiment, ou d’où j’allais aller. Mais je m’étais mise en route vers moi-même.
Tu ne peux pas tricher avec qui tu es
C’est pour ça que le titre de ce livre est un pied-de-nez1 à la méthode du Miracle Morning. Il n’y a pas de Miracle quoi que ce soit, à part le miracle de te retrouver toi-même et de t’autoriser à briller tel·le que tu es. Sinon c’est juste appliquer une recette qui vient de l’extérieur en espérant avoir le même résultat que la personne. Ça ne marche pas.
Ce qui manque dans notre monde, ce n’est pas plus d’informations, de méthodes et de recettes et d’outils et d’applis magiques, c’est de l’écoute et de l’ouverture à soi.
Le reste, ça suit. L’amour, la confiance, la joie, l’épanouissement tout ça, ce sont des conséquences. Tu vas pas les trouver au fond d’un énième bouquin ou au bout de 30 jours de push-ups.
Ça ne sert à rien de revoir ta routine, de changer de hobby, de changer de job, de changer de ville, si tu ne fais pas le travail de fond : apprendre à t’écouter, et plonger dans ta vie. L’école n’est pas là pour ça, les parents ne savent pas toujours comment s’y prendre, résultat : la plupart des adultes ont une grande maturité intellectuelle et une grande immaturité de vie. Et tant qu’on confond nos idées sur la vie avec la vie, on tourne en boucle.
L’avantage de l’humain, c’est qu’on a un GPS tout indiqué pour savoir si on est au bon endroit ou pas, si on avance d’une façon qui nous respecte ou pas : notre niveau d’énergie et de joie.
Mon burnout (et je le soupçonne, la très grande majorité des burnouts), c’était pas un problème de surcharge de travail, de managers pas cools ou même de manque de sens. Il y avait ça, mais c’était pas le coeur du sujet. Ce qui m’a fait vriller, c’était de ne pas être à ma place et de m’obliger à rester là.
S’épuiser, ce n’est pas normal. Et ce n’est pas (forcément) un signe que tu travailles trop.
Ce qui est normal et naturel, c’est de ressentir de l’énergie et de la joie au quotidien. Je ne te dis pas qu’il n’y a pas des baisses de moral, des moments où les émotions s’emballent, etc. Mais ton état de base, c’est la joie. La fatigue et la lassitude, ce sont des add-ons moisis qui t’indiquent que quelque chose force. Comme une roue qui n’est pas dans son axe qui frotte à chaque tour, ça finit par être bancal puis carrément impraticable.
Se débarrasser de la réussite
L’un des obstacles les plus sournois à ton épanouissement, c’est l’idée que tu te fais de la réussite, ou de l’épanouissement, ou de la paix.
Peut-être que tu penses que la paix, c’est une vie pépère à la campagne, avec des moutons et un compost. Sauf que ton énergie à toi, elle fleurit quand tu es active, entourée, que tu es nourrie par tes activités et c’est ça qui te donne de la présence et de la paix. Du coup la campagne, ses oiseaux, ses forêts luxuriantes, ça peut devenir ton calvaire.
Peut-être, comme c’était mon cas, que tu penses que la réussite, c’est une forme de “maturité” qui veut dire aimer les mêmes choses longtemps, voire toute la vie, avoir une entreprise qui grossit et qui embauche et être plus posée et stratège. Sauf que mon énergie, c’est de créer, et pour ça d’être seule avec beaucoup de flexibilité dans mon organisation et mon temps, et de travailler en collaboration, ponctuellement, sur des besoins précis.
Si tu te dis “mais c’est pas possible, j’ai tout, pourquoi ça va pas si bien ?” c’est que t’as pas “tout”. T’as juste une somme d’idées que tu t’étais faites sur les choses que tu devrais vouloir (ouais cette phrase c’est pas du Baudelaire on est d’accord mais c’est important).
Et ne pas aller bien alors que tout devrait être génial, c’est un endroit merveilleux. C’est la porte des illusions et des injonctions qui se ferme et la porte vers toi qui s’ouvre. Quand tout ce qui devait te rendre heureux·se ne fait pas le job, tu peux enfin souffler un coup et jeter toutes ces idées périmées du bonheur à la poubelle, pour entamer la route vers ce qui te convient vraiment.
Ce n’est pas agréable, mais de la part d’une meuf qui a mis 18 ans à arrêter de marcher à côté de ses pompes, peu importe à quel moment ça t’arrive, le plus important c’est : est-ce que tu es prêt·e à ouvrir la porte sans savoir ce qu’il y a derrière ou est-ce que tu vas te réfugier dans un nouveau concept du bonheur ?
Le cadeau à l’arrivée, c’est toi.
15 points Gryffondor pour l’utilisation d’une expression hors d’usage
Merci pour cette lettre. (Merci Doris de m avoir amené jusque là ). Merci pour ces mots qui résonnent très fort et qui donnent de l espoir ! Bravo Laure d avoir compris tout ça si jeune !
Oh mais c’est exactement ça, la joie comme baromètre ! Je me souviens de ce que j’ai appelé par la suite mon bore-out, et de tous ces gens qui ne comprenaient pas que je sois si au fond du trou « juste » parce que je m’ennuyais tellement. Merci !