A quoi ça sert de finir ses projets ?
confessions d'une lâcheuse têtue
Hello !
Contrairement à mes attentes, je n’ai pas pu écrire beaucoup de Love Notes pendant le challenge des 100 jours. Je me suis concentrée sur l’écriture du livre, et j’ai l’immense joie de t’annoncer : j’ai fini la toute première version de mon manuscrit !!
C’est une romance contemporaine entre une libraire recluse au bord de la faillite et un écrivain armé d’un complexe de sauveur et d’une crise de la page blanche carabinée. Doit-on sauver quelqu’un qui n’a rien demandé ? Peut-on écrire à nouveau quand on a passé des années à se mentir sur qui on est ? dun dun dun…
A partir de janvier, je vais rentrer dans la phase d’édition / réécriture, il y a pas mal d’éléments à faire évoluer, notamment dans les chapitres du milieu, mais je suis fière du travail accompli et d’avoir tenu mon engagement envers moi-même : 51 265 mots, un manuscrit complet pour le 14 décembre.
J’en profite pour remercier toutes les personnes qui ont suivi le challenge, on a été une trentaine sur un groupe whatsapp, à s’encourager, se partager des moments de vulnérabilité et de beauté. Ce groupe a accompagné des révisions, de la peinture, de l’allemand, des relectures de roman, des moments de grâce et des moments durs, un livre fini et disponible en pré-commande, et bien d’autres aventures petites et grandes.
Ce post, je l’écris pour toi, qui commence 1000 projets et 300 hobbys sans jamais aller plus loin que les premiers frémissements de passion. Je l’écris pour moi, qui adore explorer et qui laisse souvent ma curiosité m’emmener dans des recoins de l’internet et des librairies, puis qui ai régulièrement des crises existentielles à base de “Je vais jamais au bout des choses, je vais pas m’en sortir dans cette vie”.
Il y a un équilibre délicat à conserver entre la joie des tangentes et des passions fugaces, et le plaisir de se donner, par moments, complètement à un projet ambitieux et un peu exigeant, pour le laisser nous apprendre des choses sur nous, ce qu’on fait, et comment on aime le faire. J’aime avoir 1000 idées à la minute, mais ce post n’est pas à la gloire de l’hyperactivité multi-fixations, mais à la joie de terminer une seule chose.
Aller au bout d’un projet : le début et les doutes
Le cadeau que je voulais me faire pour mes 40 ans, c’était de finir d’écrire ce livre de romance entamé l’année dernière, armée d’une deadline et du soutien de cette communauté pour le faire.
Dès le début du challenge, j’avais la tentation de changer de projet. Je me disais “non mais en vrai, moi j’ai envie d’écrire des essais féministes, ou des poèmes, mais pas de la romance, enfin si, mais non, mais pas vraiment”. Et puis je me suis dit que j’allais tester pour 100 jours sans douter, voir ce que ça fait.
Même sur la fin, à quelques chapitres du finish, j’ai eu une conversation avec l’IA où je me suis fait rôtir le cul par mon “coach” d’écriture (j’ai paramétré une conversation pour être coachée par elle en mode soutien inconditionnel + vérités dures à entendre, j’en parlerai sans doute dans un article dédié).
Je lui avais demandé de relire le manuscrit tel quel et de me dire si ça valait le coup de terminer ou si je me berçais d’illusions et en gros elle me répond : “La vraie question c’est est-ce que tu me demandes la permission d’abandonner ? (…) Tu es assez bonne pour terminer, le livre est assez bon, maintenant si tu veux chouinasser et trouver une excuse pour t’arrêter là, c’est pas moi qui vais te la donner. A toi de décider”.
J’ai mis la capture d’écran ci-dessous (je lui parle en anglais ça m’entraîne et ça me donne des idées différentes).
Aller au bout d’un projet : les petits pas
En bonne meuf bien organisée, je m’étais fixée cette ligne arbitraire de 100 jours avant mon anniversaire sans faire aucun calcul de temps nécessaire. Je me suis juste dit “j’écris pendant 100 jours”, mais Au début du challenge, j’écrivais à peu près 15 minutes par jour. J’utilisais Notion, qui a plein de chouettes options mais un défaut mortel à mes yeux : il n’y a pas de décompte du nombre de caractères, mots, ou même pages qu’on écrit. Notion est un scroll infini, sans fin en vue (et sans option facile pour compiler les chapitres tant qu’on est sur ses limites).
A mi-parcours, j’ai changé à la faveur d’un logiciel fait pour les écrivains (j’avais l’impression en plus de devoir le mériter et ça m’a motivée à aller au bout), et j’ai commencé à avoir une meilleure idée du nombre de caractères, mais surtout de mots que j’écrivais chaque jour. Avec mes 15 minutes, j’atteignais 200-300 mots à peu près (300 mots les très bons jours, 100 et quelques les jours de traîne).
Une rapide recherche internet m’a confirmé mes suspicions : à ce rythme là, il me faudrait quasiment 6 mois de plus pour écrire la moitié manquante du livre. L’abattement menaçait. J’ai pensé à Stephen King et ses foutus premiers jets qui sortent en 1 à 3 mois, j’ai crié ô rage ô désespoir, ô paresse ennemie, puis j’ai décidé d’une stratégie tout à fait efficace pour continuer malgré tout : le déni.
J’ai tout simplement arrêté de penser à cette équation impossible, et j’ai continué à écrire vaille que vaille, en sautant assez peu de jours, et jamais plus de deux d’affilée. Même quand je n’écrivais pas, j’ouvrais au moins le doc, ou je pensais à mon projet.
Malgré tout, j’avais l’impression pas géniale de progresser très lentement, comme on avance dans la neige molle : on se trempe le cul et quand on se retourne, on a avancé de 10 mètres, ça donne envie de se coucher dans la neige et d’arrêter tout court.
Cette progression extrêmement fastidieuse a continué pendant 86 des 100 jours, jusqu’à un retournement de situation inattendu…
Aller au bout d’un projet : la folie
Le 30 novembre, j’avais écrit 34000 mots. Et là, saisie d’un éclair de génie folie, je me dis : il reste 14 jours, à peine plus de 15 000 mots pour atteindre les 50 000 mots fatidiques (la taille que je m’étais fixée pour le premier jet, histoire d’avoir un objectif chiffré).
Forte de ce constat, je fais donc ce tableau, viteuf sur l’appli Notes de mon ordi :
Et d’un coup, dans un tableau, ça a l’air tellement faisable que j’ai même du rab : je peux finir le 12 et me relaxer le 13 et 14 d’un repos bien mérité.
C’est là que le déni (encore lui), associé à l’innocence, ont joué en ma faveur.
Rappelons qu’à ce stade, j’ai jamais réussi à écrire plus de 15-20 minutes quotidiennement, y compris les longs dimanches où j’avais que ça à foutre, pour un record de 300 mots, un jour où j’étais particulièrement inspirée.
C’est donc tout naturellement que ce dimanche 30 novembre je me dis : “allez, c’est le moment de passer la seconde, je vais désormais écrire entre 1000 et 3000 (!) mots par jour, oklm.”
Sauf que.
Je suis certes très distractible comme meuf, mais la combinaison d’une deadline et d’un objectif me transforment parfois en machine obstinée. C’est d’ailleurs la seule raison pour laquelle j’ai déjà terminé un footing : dès que je pars, je commence à compter les minutes à rebours, et tant que la quantité à accomplir diminue, je continue à pousser, décompter, pousser, décompter, jusqu’à l’objectif fixé au départ. Je n’arrête pas même s’il se met à pleuvoir des cordes. J’ai un chiffre en tête, je suis putain de têtue. Et c’est ce qui s’est passé avec le livre. Je me suis mise à écrire comme jaja.
Pour me soutenir lors de ce sprint insensé de 14 jours, j’ai eu 4 moves de génie, que je te partage ici au cas où ils peuvent te servir pour tes propres projets de meuf ou mec butée.
1er move de génie : comme je connais mes limites (aka : sortir du lit avant 9h30 = très dur), j’ai posé mon ordi à côté de mon lit pour n’avoir aucune décision à prendre le matin autre que : le réveil sonne, je tends la main pour attraper l’ordi et j’écris.
2ème move de génie : un tout petit peu de souplesse, mais pas tant. Le chiffre dans le tableau est devenu mon maître. J’ai parfois fini d’écrire à minuit, après avoir intensément procrastiné, parfois j’ai mis des copains dehors en mode “il me faut une heure pour écrire pendant que j’ai encore du cerveau, cassez-vous.” Un dimanche où j’étais censée pondre 3000 mots, j’ai abandonné quand ma tête lâchait (mais j’en avais quand même écrit 2400 soit 10 fois ma moyenne du début de challenge), et j’ai réadapté le plan en fonction : 1100 mots les jours suivants hop hop hop.
3ème move de génie : le petit tableau, dans lequel j’avais l’intense plaisir de surligner en violet (c’était la couleur automatique de base, j’ai trouvé ça trop satisfaisant allez savoir pourquoi) mes mots dès que je les avais écrits.
Dernier move de génie : j’ai pris l’IA comme ma cheerleader personnelle. Au moindre chapitre à moitié écrit, je lui envoyais le texte pour qu’elle me caresse dans le sens du poil et me dise que c’est super, je suis super et il faut continuer.
Grâce à cette deadline limite intenable, j’ai activé ce mode dont parle certains auteur·ices et autres youtubeuses : j’ai arrêté de me préoccuper de la qualité, des meilleurs rebondissements possibles et de la cohérence de la voix de chaque personnage, j’ai juste écrit.
Et c’est là que l’improbable est arrivé…
Aller au bout d’un projet : la surprise
Il y avait un risque majeur avec ce sprint de fin : écrire de la merde. Finir, mais au prix d’une qualité en chute libre, et de chapitres à réécrire intégralement par la suite. Une fausse victoire donc, le but de ce projet étant d’aller au bout, mais pas en bâclant l’affaire.
C’est là qu’une magie que je ne m’explique pas encore s’est activée : plus j’écrivais, mieux j’écrivais. En passant une heure par jour avec l’histoire et ses personnages, je me suis mise à tenter des trucs que je ne tentais pas dans mes petits moments volés de 15 minutes : les personnages secondaires se sont mis à prendre vie, je me suis marrée à plusieurs reprises en écrivant, et j’avais parfois hâte de rentrer du boulot pour pouvoir continuer à écrire.
Et plus j’écrivais, plus j’y prenais de plaisir. Ce n’était plus juste un défi fixé à moi-même, mais de vrais personnages que j’avais envie d’amener au bout de leur aventure. Un des gros défauts du début de mon livre, c’est que j’ai eu du mal à mettre de bons obstacles face à mes personnages. Au début (de ce livre, mais de nombreux autres que j’avais tenté avant), je crée des personnages gentils gentils, qui font de leur mieux et qui s’en sortent assez facilement, au final. Et personne n’a envie de lire ça, même pas moi.
Mais là, avec seulement 14 jours devant moi, j’ai eu un plaisir sadique à les traîner dans des situations inextricables, à les laisser moisir dans leurs regrets et doutes plus longtemps, à leur donner la place de montrer ce qu’ils et elles avaient dans le bide.
Je ne m’attendais pas à cette équation : me consacrer intensément à ce projet, pendant un temps assez court, m’a apporté beaucoup plus de joie et de sensation de progresser en tant qu’autrice que tout le reste du temps où j’y mettais un petit peu d’effort chaque jour.
Conclusions très provisoires
Toute conclusion tirée à ce stade est forcément très partielle et au moins en partie fausse, j’attends de voir ce que ça donnera avec mes prochains projets (et pour la relecture de celui-ci), mais finalement je remets en question cette idée qu’il faut écrire tous les jours de la vie, même un petit peu.
J’ai l’impression que j’aime plus avoir des modes sprint pas trop longs, et être obsédée par un sujet, puis me donner de l’espace pour digérer / passer à autre chose. Le reste du temps, je nourris ma créativité différemment : je dessine, j’écoute, je lis beaucoup, je cherche des cours d’écriture qui m’inspirent et qui m’aideraient à aller plus loin (mais je soupçonne que les cours seront surtout utiles quand ils viendront répondre à un problème rencontré sur ce projet ou un autre).
Je rêve aussi à 2 projets pour 2026 : une novella, pour continuer à progresser, mais sans la pression d’un roman complet, et un essai sur un sujet qui me travaille et que j’aimerais explorer artistiquement.
Mais on aura l’occasion de s’en reparler ^^
J’espère que les fêtes de fin d’année se passent pas trop mal pour toi, et que tu arrives à t’y retrouver au moins un peu, à t’écouter au moins un peu.
Si cet article t’a été utile, partage-le ou dis-moi en commentaire ce qui t’a parlé le plus.
Je te souhaite une merveilleuse semaine,
Laure
Bonus : les ressources
J’ai envie de partager toutes les ressources qui m’ont aidée à avancer, mais la grande majorité sont en anglais. J’ai signalé d’un drapeau 🇫🇷 les ressources dispos en français.
Les personnes / livres :
We need your art, Amy McNee (son livre m’a motivée de fou à y croire)
L’instagram d’Amy McNee (mais globalement quasi pas d’insta, c’est trop dangereux pour la concentration)
La newsletter The Audacity de Roxane Gay, un coffre à trésor d’inspiration et d’écriture de qualité
Cette vidéo d’un éditeur est en partie responsable du succès de mon sprint de fin (🇫🇷 avec les sous-titres automatiques) :
Les contenus d’écriture :
Je suis boulimique de cours, mais bien sûr c’est aussi une façon de ne pas passer à l’action. Ces deux contenus et ce livre m’ont vraiment apporté de la motivation / des éléments concrets à mettre en place.
Fool Proof Romance de Christopher Downing (parfait pour avoir les bases de l’écriture de romance et un plan à suivre pour se lancer)
Vidéos d’Abbie Emmons (anglais mais accessible en 🇫🇷 avec les sous-titres automatiques sur youtube)
Podcast Writing Excuses (j’ai commencé par la saison 1 et j’en suis à la fin de saison 2)
Je mets les deux livres suivants dans les cours, parce que le ton, le rythme et la qualité de l’écriture m’ont inspirée au point de devenir des cours :
🇫🇷 Novecento : pianiste, d’Alessandro Baricco
Katherine Center, surtout The Romcommers et The Love Haters 🇫🇷 (certains de ses bouquins sont traduits)




